samedi 8 novembre 2025

Tempête sur le Parco Astarita: Trilogie de Capri chapitre II Partie III



Le Parco Astarita ou le jardin des rêveurs sur les falaises d'Anacapri

Trilogie de Capri "La maison ensorcelée"

Partie III chapitre II

Les violons fougueux des jeunes virtuoses du Palais Cerio avaient calmé nos doutes et raffermi notre énergie malmenée par l'épidémie de refroidissement, (mot élégant pour cacher les pluies d'éternuements le le nez coulant comme trois torrents de montagne au printemps), fustigeant la romantique île de Capri, de son petit port aux âpres cimes de ses montagnes.

Une journée à peine nous séparait du second enchantement, le concert de piano célébrant la victoire d'un aréopage de passionnés dans le beau salon de la villa Rosa d'Anacapri, à l'ombre de la Villa du bon docteur Axel Munthe.

 Cet ancien palais surgi des hauteurs du village grâce aux efforts et à la fortune d'un excentrique doué de bon goût, avait, après quelques vicissitudes, abrité l'école où nos amis, Salvo et Flavia, avaient reçu les flèches de Cupidon à un âge encore tendre...Désormais vouée à l'art sous toutes ses facettes, la maison à la façade rose pâle enguirlandée de frises fleuries bruissait d'un enthousiasme charmant.

Flavia, que notre fièvre mélomane divertissait beaucoup, avait  éprouvé la  charmante tentation de nous accompagner dans le sillage de ses souvenirs et sur le chemin de son adolescence. Elle n'irait pas bien loin d'ailleurs:  quasiment  en face de la belle maison où Salvo officiait devant ses comptoirs chargés de beaux objets en majolique et de coraux précieux, tandis que la belle jeune mariée, Giuglia, séduisait les promeneuses éclairées en leur présentant un assortiment de mode milanaise et capriote d'un raffinement exquis.

Mais ce programme soigneusement établi ne tiendrait ses promesses que le lendemain, et nous avions un temps clair, et la liberté de ceux qui profitent de leurs vacances au début de l'automne.

J'étais si déprimée à force de changer de mouchoir et de me nourrir du doliprane italien, que la nostalgie, ce fléau qui ne me quittait qu'à grand peine, me gâchait même la splendeur de la lumière dévalant les pentes d'or vert du Monte Solaro lavé par une averse nocturne. 

 Pourtant, ce matin, un mot flotte dans ma tête, quelque chose évoquant les étoiles et une histoire vraie à la mode de Capri, autant dire une légende sertie dans  la vérité. nous avons vu tant de sentiers, de belvédères, de jardins secrets et de bosquets abrupt, mais il manque un lieu singulier et ouvert , un parc légendaire et voué aux rêveurs, aux amoureux ou aux montagnards, le mot vague cesse de flotter et s'ancre en lettres de feu !

"Parco Astarita !"

"Pardon ?"

"Nous avons visité la Villa de ce malheureux exilé de Capri, ce mélancolique comte Jacques Fersen, Henri a tutoyé les gouffres sur l'escalier ravagé qui menait l'empereur Tibère à sa plage privée, et nous avons purement et simplement négligé de nous hisser sur les hauteurs du Paro Asatarita, de nous balancer sur ses passerelles oscillant dans le vide, de nous laisser enlever par la poésie la plus intense que Capri réserve à ses amants, c'est une honte ! Viens ! partons ! le ciel est pur, d'ailleurs, cela ne gâte rien, je me souviens d'un restaurant assez peu onéreux du côté de la Villa Moneta que nous adorons avec une remarquable ténacité ...Qu'en penses-tu ?"

L'Homme- Mari lève les yeux de son portable lui contant par le menu les péripéties de la crise politique secouant notre mère- patrie que nous avons reléguée pour une grosse semaine au rang des ennuyeux souvenirs. Capri est est notre port de prédilection, celui où nous faisons de belles et fugaces escales avant que la raison ne nous ordonne d'entendre sa voix sévère, l'Italie se dresse comme le palais de chair et de sang des beautés de ce monde, la France, qu'est-elle au juste pour nous ? 

Une terre d'enfance, la patrie de nos ancêtres, le sol où nous avons élevé nos enfants et affronté les rudesses du quotidien. Ce pays nous tentons  de l'aimer encore, sans grande conviction, mais avons-nous un autre choix ? Seuls les heureux du monde ne craignent de se résigner à l'exil...d'ailleurs, fuir signifierait abdiquer, se conduire en lâches...Serais-je en train de me noyer dans l'amertume la plus saumâtre ?

 La honte me fait éternuer de plus belle !

A quoi bon se lamenter ? Notre vrai pays est d'humeur fort sombre, un jour gouverné, un autre privé de gouvernail;  nous-mêmes subissons dans notre patrie d'adoption une grippe pénible, un seul remède s'impose : vivre l'instant !

 "Quitte à éternuer, éternuons sur la via Tiberio ! Ce restaurant , je crois m'en souvenir, n'y avions -nous déjeuné en compagnie d'Henri, toujours lui, le seul à accepter de déambuler le nez au vent sur les rochers de l'île, à condition d'être dûment sustenté par ses parents ?"

 L'Homme- Mari me prouve encore une fois à quel point les hommes gardent la mémoire de leur estomac... Et je rétorque indignée:

"Qu'importe la nourriture!  L'essentiel est de marcher vers ce fameux Parco Asatarita que l'on décrit partout comme un paradis surplombant les entassements de roches les plus extravagants, et, parsemé de bancs accrochés au-dessus des paysages du vertige... 

Un don splendide et touchant du généreux docteur  Mario Astarita qui ne se pouvait passer de contempler la mer aux nuances vibrantes et la course des nuages.Il paraît que même les puissants, les monstrueux rochers des Faraglioni vus de ces pyramides farouches se métamorphosent en îlots insignifiants .."

L'Homme- Mari ne semble guère convaincu, mais, la perspective d'un changement d'air et surtout celle d'un repas substantiel, le pousse à approuver mes envies intempestives de promenade en altitude, un mouchoir à la main et du doliprane en poche.

"Au moins, nous oublierons la crise politique, la dette, le déluge fiscal habituel et bientôt accru, la crise qui nous taraude depuis mille ans, et tout ce bizarre cortège de mesures variées accablant un pays qui n'est plus la douce France qu'en rêve. Mais, n'allons-nous traverser la Piazzetta avant de filer droit vers ton paradis perdu ? Alors, cela m'arrange terriblement, avec ces coupures d'électricité, je ne reçois plus de nouvelles, j'imagine le pire, or, nous trouverons "Le Monde" dans la minuscule boutique du seul vendeur de journaux étrangers de l'île, juste en haut des marches de l'ancienne voie romaine qui montait les voyageurs de ton mythique Grand Tour sur le dos de malheureux ânes, créatures soumises et patientes..."

Je soupire non pas en me représentant ces pittoresques ascensions, mais en luttant par avance contre l'influence désastreuse d'un  quotidien grave et pessimiste, qui de toute façon abondera en nouvelles déjà obsolètes...L'Homme- Mari aurait vraiment intérêt à se détendre... 

Notre retour au beau milieu des soucis arrivera bien assez tôt. Comment glisser vers la poésie de la via Matermania, de la via Moneta, de la via Tiberio, ces chemins de pierre et de fleurs,  ondoyant avec grâce entre murets ensevelis sous le jasmin, allées de colonnes antiques, jardins éblouissants, vergers soignés avec un amour infini, et portails mystérieux cachant à peine la splendeur des vallées paisibles étendues à pic sur la mer de cristal, si l'on brandit, en guise d'oriflamme, un quotidien s'évertuant à approfondir des nouvelles bien trop angoissantes pour ne pas nuire d'importance à notre  piteux état mental et physique ?

Le petit bus descendant vers Capri crachote, renifle, éternue à notre instar, il transporte une cargaison de Capriotes au nez cramoisi et aux joues écarlates, le fatal refroidissement malmène aussi les profils grecs des belles filles emmitouflées comme si octobre venait d'être englouti par un précoce janvier. 

Je guette à chaque virage la vue tourmentée sur le golfe de nacre et d'aigue-marine. L'écume blanchit à vue d'oeil, la houle imite le galop d'un pur-sang, et le ciel si clair se parsème de nuées gris- perle. Une tempête nous épierait- elle sournoisement ?

 Cet amer soupçon se dissipe une fois sous les arcades débouchant sur la place radieuse qui, dès leur sortie du funiculaire, jette les nouveaux- venus à la rencontre spectaculaire des intangibles falaises constellées de Pins, en surplomb de la somptueuse baie. 

Grandiose et  austère et hautaine, piquetée de maisons blanches et aériennes, de pelouses lustrées et de roches fauves, la beauté de ce point de vue pétrifie l'âme la moins sensible ...

Mais, l'Homme- Mari ne voit rien, n'entend rien, n'éprouve rien, son vendeur de journaux  se blottit juste à la traversée de la Piazzetta, autant dire que nous entamons une course vers ce sauveur, hélas, à peine entrés, il faut déchanter, le brave homme nous a reconnu et d'un geste dramatique montre l'emplacement vide, hélas,"Le monde" n'a pas eu la chance de prendre le bateau depuis quelques jours!

 Je revis et l'Homme- Mari boude, qu'importe !Déambuler  bientôt sur le vide, bleu, ou les gouffres verts, de passerelles en terrasses lancées au fait de l'île, le distraira des affres et désarrois de notre sinistre situation politique. Main dans la main, et nez rouge au vent, nous passons sans broncher devant l'humble maison qui abrita Gorki ravi de s'adonner au farniente, sous prétexte de se concentrer sur les élans révolutionnaires... 

La plaque en majolique rappelant son séjour  tumultueux constitue notre point de repère au coeur des venelles enchevêtrées de Capri- village! Rassérénés, nous filons au pas de grenadier vers la sublime promenade bordant toits en coupoles aplaties et terrasses débordantes de bougainvillées  qui à chaque fois ranime en nous le souvenir de notre première venue sur l'île ... 

Via Tiberio enfin, la Capri romaine renaît, l'atmosphère tourne à la noble grandeur, les façades s'embellissent de majesté tandis que le chemin se rétrécit ! 

A chaque instant, nous nous plaquons contre les murs, porches ou portails afin de ne pas gêner les minuscules véhicules autorisés, chats hautains et potelés, chiens maigres et intrépides,  ravissants écoliers en tabliers gris, agrippés à leurs cartables,  grands-mères en boucles d'oreilles d'or,  panier en main grands-pères moustachus au volant, jeunes parents, dignes et fiers, serrés comme des amoureux, artisans burinés, entassés à miracle et semant dans l'air les paroles d'une chanson d'amour napolitaine, tous nous frôlent en criant des "Grazie mille !" reconnaissants...

 Voici maintenant une école où bourdonnent des élèves studieux qui ignorent la chance sublime d'être en classe à Capri, des ruelles bondissant vers des vallées ombreuses et dorées, et une épicerie qui offre absolument tout ce qui permet de survivre aux habitants de ce quartier où l'odeur de l'Antiquité enivre le promeneur. J'ai très envie  d'y faire l'emplette de pain et de fromage en guise de repas, à l'instar d'un philosophe Grec invité par Auguste ou Tibère à disserter sur l'inutilité des biens de ce monde !

 Or, 'Homme- Mari refuse de suivre le noble exemple des gens détachés du goût des nourritures terrestres, le voici devant une porte en arcade, intrigué, puis, rassuré, soulagé et plein de gratitude à l'égard de sa Femme- Epouse :

"C'est bien ce restaurant d'il y a sept ans déjà... Tu avais raison, j'avais du mal à te croire, nous y avons vécu une charmante soirée, l'équipe s'est donné une peine infinie, pourquoi avoir attendu si longtemps ? Entrons, je n'en peux plus ! Je dois absolument prendre des forces avant de te suivre sur les cimes des falaises, en reviendrons- nous même sains et saufs? Regarde, je souffre, et toi, tu aurais besoin d'une cure de repos...tu es si pâle, l'ombre de toi-même..."

Ce rude jugement conjugal a le don de me plonger dans une violente affliction... Pour un peu, je planterais là mon Homme- Mari, comment l'obliger à traîner davantage, dans son sillage glorieux, une créature aussi décrépite que sa tendre moitié ? Heureusement,  on nous souhaite la bienvenue avec une telle chaleur, une si délicieuse compassion, que je laisse s'envoler mon humeur sinistre. Le patron en personne tient à nous installer au chaud, et s'écrie:

 " Il manque le ragazzo ! Je me souviens de vous trois, un beau soir de mai, nous aviez l'air si contents de manger chez nous, vous étiez affamés ! Surtout le ragazzo, sei anni fa ? Seite già ? Dio mio ! Stupendo ! ecco il menu.."

Je suis trop lasse, et à vrai dire, trop malade, pour dévorer les irrésistibles plats  typiquement capriotes de l'irrésistible menu, mais l'Homme- Mari charmé et flatté de cet accueil digne d'un haut personnage, mange pour deux et me promet un détour vers la via Moneta.

" Je sais que tu as toujours rendez-vous avec cette mélancolique villa Moneta, je te comprends, peu de maisons gardent autant leur mystère, leur côté grandes dames revenues des épreuves, mais son parc l'envahit de telle manière que je redoute un drame. Il suffirait d'un coup de vent pour qu'un tronc déraciné ne tombe sur un balcon ou pire une partie du toit... " 

"Par pitié, sois- optimiste, nous ne marchons pas à l'avance sur les débris des anciennes Villas de Capri! Au contraire, elles nous en imposent par leur magnificence hors du temps. Souvent, elles subsistent grâce à une nuée de propriétaires extrêmement  qui s'entêtent  et s'exténuent à restaurer et entretenir ces maisons excentriques, l'orgueil de Capri.  pense à celle dont nous sommes si fiers de louer une minuscule partie,  ses habitants acceptent tous les sacrifices pour lui conserver son allure...Je suis sûre que la Villa Moneta ne trahira jamais cet idéal..."

 Hélas, c'est la tristesse qui s'abat sur nous en ce début d'après-midi menacé par la sournoise emprise d'une tempête arrivant sur la pointe des nuages. Derrière l'énorme bouquet d'arbres séculaires garantissant sa sérénité, la Villa Moneta souffre et gémit: un vénérable Pin vient de fracasser une de ses romantiques terrasses.

Mon coeur pour un peu s'arrêterait de battre... Cette Villa, je l'ai vue en  rêve avant que sa façade à la splendeur orientales ne se lève par hasard, sur notre chemin, au bout de son allée de grosses et grises colonnes volées au Palais de Tibère. J'y suis venue dans une autre existence, et je m'en souviens, comme d'un air de musique, ou d'une  personne aimée, endormie dans les ténèbres de la mémoire.

Un bruit assourdissant ranime l'espoir défaillant : des artisans s'activent, tronçonneuses en main, la Villa ne subit aucun abandon, elle reste aimée et protégée, ne le mérite-t-elle au centuple ? Son passé épouse celui de ce siècle qui vit une cohorte de peintres, de poètes, d'écrivains récolter à foison l'inspiration divine sur les rocs d'or et de pourpre de l'île. 

Ne serait-ce la destinée des maisons très vastes, très belles et très anciennes de se hisser au rang de sanctuaires indispensables aux âmes sensibles, à ces êtres doués de l'intuition qui réveille les fantômes aimés ?

Silencieux, enfermés en des songes obscurs, l'allure lente, nous grimpons vers les montagnes sur la via empierrée. Insensiblement la pente s'accentue, le vent  aigre remue les guirlandes de bougainvillées, s'engouffre entre les ramures des bosquets, affole les glycines échappées des portails ajourés, et taquine les lianes parfumées enlaçant les pergolas. La masse rébarbative des ruines impériales se devine sur la cime du monte-Tiberio impassible face à la tempête qui nous guette, embusquée derrière les gris nuages dévorant le tendre bleu du ciel. 

Nous longeons un mur à la beauté antique, j'aperçois de l'autre côté des volées de marches creusant les aspérités du sol rocailleux:

"Nous y sommes!" 

A peine ces mots triomphants clamés, le chapeau de paille printanier de l'Homme- Mari file droit au-dessus du rempart et nous ouvre le chemin !  ce maudit couvre-chef manque de déclencher des catastrophes, notre galopade nous oblige à escalader un pont tendu sur le gouffre attaqué par la mer furieuse, puis, une passerelle, mais le chapeau recule vers les terrasses escarpées, un tour à gauche, une descente à droite, des buissons insolents nous égratignent. J'admire un geste audacieux de l'Homme-Mari, la main penchée sur le vide, et assiste au retour du léger chapeau sur le crâne de son maître.. 

Nos émotions s'apaisent sur un banc miraculeux qui propose une halte sereine au coeur du péril: les roches dessinent une étrange figure de proue à l'aplomb d'une pente impitoyable, les nuages tournoient, les vagues se poudrent d'écume et le vent hurle en frappant Pins et Chênes entrechoqués sur les flancs de la montagne.

 Nous ne bougeons plus, le regard plongé vers les vallons piquetés de colonnes blanches, image d'une harmonie parfaite, sur laquelle nulle rude tempête n'a prise.

 La rébellion des éléments augmente, et nous cherchons un refuge, mais ce Parco Astarita se révèle le domaine du dieu des vents, Eole à la barbe blanche: sans doute  ce patriarche débonnaire, qui tenta d'aider Ulysse jadis, incite- t-il ses six filles aux scintillants cheveux de neige, épouses de ses six fils, géants et goguenards, à nous étourdir de leurs chants d'amour et de mort...  Un souffle ravageur nous interdit de grimper vers les  fragiles sentiers perchés sur les falaises dont la vue se porte vers le golfe de Salerne. 

D'ailleurs une lourde porte ferme les promenades les plus acrobatiques, et la lumière nous aveugle avec une intensité de diamant. Le ciel vire au  pourpre, et l'Homme- Mari, dont le bon- sens m'étonnera toujours, m'engage à   revenir sur nos pas... Nous assistons à l'ouverture d'une tempête s'invitant sur un théâtre en plein air : la rauque colère de la mer affronte la farouche puissance du ciel, nous n'avons plus qu'à nous soumettre, à obéir aux dieux vidant une querelle dont le sens nous échappe, à laisser ce champs de bataille à ses soldats invisibles et à promettre au généreux Mario Astarita de revenir un jour plus clément rêver sur les bancs de son parc aérien... 

Bien entendu, à Capri, la malédiction habituelle nous frappe: le dernier mini-bus à destination d'Anacapri vient de s'élancer, et nous subissons de plein fouet la morsure de la bise. Bizarrement, cette balade agitée nous a réconfortés, rassérénés. Encore un sortilège de l'île, se soumettre à ses caprices, sans un gémissement, sans un reproche, c'est une affaire de franc-jeu...

Une heure plus tard, glacés et incapables de mettre un pas devant l'autre, nous entendons grincer notre petit portail. La nuit soyeuse d'octobre nous enveloppe de ses ombres argentines, les deux citronniers du  jardinet grelottent sous l'humide baiser du soir, et notre fol amour envers ce rocher dur et irascible reprend racine ... 

A quoi bon ? Nous ne posséderons rien excepté des rêves  et du doliprane, ici, et bien tant pis, Capri vaut bien un gros rhume et la ruine de ses espoirs! 

Demain, avant ce concert romantique sur les cimes d'Anacapri, j'errerai vers le belvédère de la Madone de la Migliera, la Madone blanche, au beau visage de jeune fille, souriant en son bosquet fleuri, j'écouterai la suave chanson des dames récitant leurs douces prières, je renouerai avec cette part spirituelle de l'île, avec peut-être mon éternel ami de jadis que je ne rencontre que sur ces âpres traverses îliennes, lui qui détient le secret de ma mémoire confuse, de mes vies antérieures peut-être

Tant de choses impossibles reprennent vie sur ce rocher battu des vents, hanté par les dieux et soumis à la Madone ...

Ne rêvons qu'au lendemain:

 "Agé de cent mille ans, j'aurai encore la force

De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir.

Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,

 Peut gémir: le matin est neuf, neuf est le soir."


Sur ces vers de Robert Desnos, je vous dis "A bientôt !"

 Nathalie-Alix de La Panouse 

ou Lady Alix 

Trilogie de Capri



Capri, Belvédère du Parco Astarita avant une tempête d'automne

Crédits photos Vincent de la Panouse octobre 2025

 





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