lundi 14 décembre 2015

Hérodote vous invite chez les Perses !


"En cheminant avec Hérodote" est un recueil de textes commentés qui permet de s'initier aux récits du grec" voyageur de l'Antiquité" en évitant de s'y noyer !
 C'est également une invitation lancée par Jacques Lacarrière aux aventuriers de tout âge, de toute culture, de toute nation par un écrivain français à la curiosité nourrie de beauté antique et de savoir-vivre humaniste.
Jacques Lacarrière a aimé la Grèce d'un élan immodéré. Au fil de ses ouvrages, il a su réunir toutes les "Grèces" dans un superbe concerto. La Grèce contemporaine en proie aux vifs paradoxes, celle des poèmes de Séféris et de Ritsos, celle de Périclès, celle des îles à l'harmonieux éparpillement, celle des premiers conteurs; du premier poème: à l'aurore du monde,le chant rude et batailleur, adouci du sourire des déesses et mortelles, le chant d'Homère; la musique balbutiant la découverte de ce fol univers...
Puis, Hérodote, l'enquêteur, le détective de l'humanité remarquant tout et ne s'indignant de rien. Hérodote, celui qui a inventé le goût de l'histoire humaniste: il découvre, mais ne juge pas; il apprend afin de nous apprendre ce qu'est le monde infini, il ouvre les portes nous séparant des autres. Depuis plus de vingt cinq siècles, il ne déçoit jamais ce qui se glissent entre ses pas... Son coffre aux merveilles déborde de souvenirs glanés dans des contrées qui nous semblent légendaires, la Lydie, la Perse, Babylone, la Tauride.
Il a étudié ou, selon son acte de"foi" enquêté sur tout y compris sur Athènes sauvée des Tyrans; l'inventeur de l'histoire proclame alors sans peur l'éclat de la liberté et la suprématie de l'égalité, principes absolus de la civilisation d'Athènes au temps de l'humaniste Périclès:
"il est vrai, non pas une fois mais toujours, que la liberté et l'égalité sont des biens précieux ! Athènes, délivrée des Tyrans prit de loin la première place; preuve que sous un maître, les citoyens n'avaient que mauvais vouloir, parce qu'ils travaillaient pour ce maître, mais une fois libres, chacun mettait son cœur à la défense d'intérêts devenus les siens".
Comment oser dire en lisant ceci que les "Antiques" sont un luxe inutile ! Les écrivains grecs parlent notre langue spirituelle...
Hérodote est le marcheur du monde antique, le "routard" du Vème siècle avant notre ère, le Nil lui a servi de guide afin de mesurer le degré de civilisation de ces égyptiens sur lesquels brillait une lumière immémoriale de prodiges. L'Egypte, terre "don du Nil", selon la fameuse formule inventée par Hérodote et toujours reprise, où seule une poignée de contemporains s'était risquée, causa une telle secousse au grec qu'il en livra son témoignage le plus fervent... "J'en arrive à l'Egypte dont je parlerai plus longuement; elle contient tant de merveilles, tant d'ouvrages défiant la parole et l'imagination que je n'hésiterai pas à lui donner une place importante."
Ses pages les plus vivantes gorgées d'anecdotes  riches de détails souvent drôles et touchants, révèlent
la vie quotidienne, l'engouement pour les chats sacrés, les demi-dieux encore de nos foyers, les rites, la simplicité et la magnificence de ce peuple infiniment mystérieux pour ses voisins... L'audacieux, le curieux, l'infatigable"enquêteur" n'a peur de rien.
Pourtant en ces temps si éloignés où l'on croyait la Terre partagée en trois continents souvent peuplés de monstres hideux, les voyages exigent un caractère trempé dans le fer, une énergie de jeune homme et l'ingéniosité d'un stratège face à une bataille contre plus fort que soi ! Sans l'appui des cartes ou la solidarité entre voyageurs ou marchands, sans escorte d'une petite armée, bêtes sauvages et brigands guettent les proies faciles sur terre, au sein des déserts ou dans les montagnes arides. Pirates et tempêtes découragent les aventureux inconscients sur mer; le retour est incertain, les périples durent, si l'on est malchanceux, malade, ruiné ou rançonné, des mois, des années... Mais les grecs naviguent de père en fils, la méditerranée est leur univers, ils ne craignent pas d'aller à la rencontre de ports grouillant de peuples barbares. Pourquoi l'un des leurs attendrait-il avant de repousser les limites des comptoirs marchands ? Le plaisir l'emporte sur la peur  le désir de s'instruire, de récolter les renseignements utiles et les mythes insolites devient un aiguillon décisif !
Le monde bouillonne  d'inconnu, Hérodote ne résiste pas ! A la fois sage, fou, lucide, naïf, épris de grandeur et de familiarité, il s'en va, sans façon, impartial,en dépit de sa fougue, considérer, le spectacle du monde.
Le voici en Perse. Là, dans ce pays ennemi traditionnel des grecs, depuis les guerres médiques,
il sait reconnaître de belles et nobles vertus à ce peuple de guerriers. Les différences ne l'offusquent ni ne le choquent, son travail est d'informer.
Tout d'abord  remarque-t-il, les Perses sont respectueux des Dieux, mais, au contraire des grecs et des égyptiens, sans avoir pour cela besoin de leur donner une forme: "En Perse, les dieux n'ont droit à aucune statue, à aucun temple, à aucun autel. Mieux, les Perses traitent de fous tous ceux qui en construisent ".
Hérodote essaie de comprendre et il aboutit à cette conclusion pleine de bon sens: "sans doute les dieux sont-ils, à leurs yeux, d'une autre essence que les hommes. "Mais, cela n'empêche nullement les Perses d'accepter le culte de dieux venus d'autres peuples, l'esprit de tolérance ou l'envie de se concilier une divinité renommée les incite à sacrifier pour Vénus, "Mitra" en perse, selon Hérodote.
Jacques Lacarrière intervient discrètement pour nous confier que notre routard antique aurait confondu un dieu solaire mâle Mitra avec la Vénus perse Anahita... Une légère distraction venue d'aussi loin nous charme autant que l'exacte vérité ! Hérodote confie ensuite ce trait fort généreux prouvant l'esprit de clan perse en matière de religion "il ne viendrait à l'idée de personne, en Perse, d'invoquer un dieu pour son compte personnel." la foi a un un caractère solidaire, la communauté, le roi passe avant le vœu égoïste... Hérodote sait ménager notre curiosité ! Rien qu'avec ces précisions de départ,le peuple perse nous intéresse au plus haut point !
La description se poursuit, par petites touches  amusées et bienveillantes. Un peuple sort des vapeurs antiques, jaillit des frises sculptées d'un cortège de gardes du palais de Darius, des reliefs légendaires de Persépolis, des colonnes gravées de taureaux ou de sphinx, pierres d'or rouge portant un roman fantastique sous le ciel d'un bleu profond,.. La vie ranimée de la Perse grandiose et intime s'élance devant nos yeux ébahis grâce à l'inaltérable familiarité de ton menant l'enquête de l'historien grec.
Voici que se tendent, entre nous et ces hommes et femmes du Vème siècle avant notre ère, d'étranges passerelles.
"L'anniversaire d'une naissance est toujours, en Perse, considéré comme un grand jour. On sert ce jour-là un repas plus copieux que d'habitude, comprenant, au moins chez les riches, un boeuf, un chameau, un cheval ou un âne tout entiers au four ". Ce qui laisse imaginer les dimensions du four en question ! Hérodote reste dans le domaine de la gastronomie en n'omettant pas une pique perse à l'égard des grecs, ce qui prouve son absence de parti pris, qualité essentielle du premier historien de l'humanité, "Les repas perses comportent en général très peu de plats de résistance, mais, en revanche , une véritable avalanche de desserts. Ce qui leur fait dire qu'en Grèce, quand on se lève de table, ce n'est nullement parce qu'on n'a plus faim, mais simplement parce qu'il n'y a rien de plus à manger.
Apportez-leur un dessert, disent-ils en parlant des grecs, et vous verrez s'ils ne le mangeront pas !"
Ces perses nous sont très sympathiques ! Ces bons vivants savent inviter à des repas d'affaires, "il est de tradition, chez eux, de traiter en buvant les affaires les plus sérieuses": une pratique fort répandue de nos jours...Mais, la sagesse règne au milieu des libations excessives: "quand ils ont pris ainsi une décision, l'hôte chez qui la réunion a eu lieu remet la décision aux voix, le lendemain, quand ils sont
dégrisés. S'ils l'approuvent toujours, on s'en tient là, sinon, on y renonce."
Ce bon sens s'observe dans le domaine de la politique internationale, là aussi, rien de plus franc, de plus logique, les perses ne trichent ni ne rusent, ils sont à prendre comme ils sont et nous les apprécions sans peine; Hérodote, dans l'ombre, ne tire-t-il les ficelles ? Voyons un peu: " Les peuples qu'ils estiment le plus sont ceux qui vivent le plus près d'eux, puis les plus proches voisins des premiers et ainsi de suite. Leur estime décroît à mesure qu'augmentent les distances. Inutile de dire que les peuples qui habitent aux extrémités de la terre ont droit à tout leur mépris !".
La vraie richesse d'un Perse coule de source: bravoure et, enfants ! L'or pur, ce sont les fils !
Comment devient-on un guerrier, antichambre d'un héros Perse ? En s'y prenant tôt ! les recettes en vigueur évoquent l'éducation médiévale au sein des châteaux-forts: "de cinq à vingt ans, on n'apprend aux enfants que trois choses: monter à cheval, tirer à l'arc et dire la vérité."
Hérodote avait beau être un grec cosmopolite et avide de savoir, l'éducation des filles n'éveillait guère son insatiable curiosité! Son "article " sur les mœurs de l'ancienne Perse, celle qui fut gouvernée par l'intègre Cyrus, choisi par un autre grec humaniste Xénophon  afin d'incarner les vertus d'un monarque ne faisant qu'un avec ses peuples, nous passionne en dépit de cette lacune "d'époque" !
La justice Perse nous étonne beaucoup; où sont passés les barbares ?
A la place des jugements rapides, voici des hommes profondément attentifs aux faiblesses humaines, ne rendant de verdict qu'après de mûres réflexions. Hérodote approuve de toutes ses forces, il cherche à convaincre au delà de sa mission  et son intervention donne au récit un accent troublant; sans y toucher, ne dénoncerait-il d'autres systèmes de justice ? écoutons-le ! "Je trouve très bien, en Perse, que personne n'ait le droit de faire exécuter quelqu'un qui a commis une faute. Au lieu de céder sans réfléchir à sa colère ou à ses impulsions, on pèse d'abord les méfaits et les bienfaits du coupable, et on ne le condamne que si les premiers l'emportent."
Enfin, la société Perse s'appuie sur ces deux pierres: ne pas tuer, ne pas mentir.
Un beau modèle de noblesse antique !
Le monde d'Hérodote frappe à nos portes, ouvrons grand ! Laissons-nous emporter par les voix
chuchotantes, les bijoux ciselés, les entêtants parfums, les armures de bronze, les animaux sacrés, les rois généreux, les légendes trop belles pour ne pas chanter juste !
Il suffit d'ouvrir  un livre de poche à quelques euros et l'Antiquité s'engouffre dans votre vie !
Encore mieux, en version bilingue, et tant pis si vous ignorez le grec, rien que le dessin des mots, la grâce des lettres, le secret traduit sur l'autre page vous raviront en ranimant une musique endormie, le retour aux sources bleues sommeillant au fond de vous... L'écume du bassin méditerranéen...
A bientôt !
Peut-être vers une île dont la princesse portait le doux nom de Nausicaa,
ou ailleurs... en navigant sur la mer d'Ulysse,
Pourquoi ne pas suivre Hérodote à la recherche des sources du Nil ?

Lady Alix ou Nathalie-Alix de La Panouse

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