dimanche 25 septembre 2016

L'art de vivre au Luxembourg !

Il existe, allongé en ses verts pâturages, ses plateaux couverts de champs fertiles où le maïs étonne par sa vigueur, ses vallées aux villages sages haussant leurs toits de grises ardoises  ondulant comme de courtes vagues, un pays que l'on dit, un peu trop vite, minuscule et sévère .
Une contrée unissant les contrastes les plus saisissants autour d'une ville-capitale solidement accroché à son rocher creusé de casemates parlant haut d'un passé guerrier .
Cette citée insolite tient de la tour de Babel, d'un dessin fantastique de Victor Hugo ou du plus fou des romans de Stendhal; d'une  chanson de gestes rude et victorieuse et d'une idyllique citée peuplée de jardins extraordinaires.
 Enfin, et c'est sa vocation la plus émouvante, la bonne ville évoque le royaume imaginaire abritant les plus beaux contes de notre enfance .Entassement  poétique mêlant le très ancien et le terriblement moderne sur lequel veille un Grand-Duc : prince aussi éclairé et bienveillant  qu'il se doit .
Son influence s'étend bien au delà des maisons cossues et palais tarabiscotés aux toits couverts d'ardoises taillées en vagues grisées de bleu, bien au delà des places ombragées à l'esprit allègre ;encore plus loin que l'austère beauté du quartier des Affaires érigé sur un plateau où les tours de verre se haussent au milieu des champs .
 Le pays tout entier est fier de cette singularité nourrissant son savoir-vivre ensemble ,sans leçons de morale et ondes amères de culpabilisation générale .
Impossible, me direz-vous , pareil endroit est une invention ,une utopie née d'une imagination puérile. Où cela se trouve-t-il d'ailleurs ?
 Au bout de ce fol univers ? Sur une île lointaine noyée dans les brumes de Scandinavie ?
Tout naturellement  fils de notre vieille-Europe, le Grand-Duché du Luxembourg déclenche un flot d'émotions absurdes et sincères si on se donne la peine d'en franchir les courtoises frontières .
Le ton est pris à l'arrivée , on ne dit pas bonjour , on essaie le vocabulaire luxembourgeois : il est un peu dur d'oser ce fameux "moyen" (je vous le livre "à l'oreille" , son orthographe m'est inconnue!)  qui, mal articulé par un gosier français, suscite un charmant sourire.
Amusée , la responsable des locations de véhicules ,vous propose une superbe "allemande", du genre de celles dont vous vous contentez de rêver ; ne la méritez-vous pas ? Vous allez passer un week-end au Luxembourg , vous ne pouvez  être déçu !
Vous voilà au pied du mur, autrement dit à l'entrée de l'autoroute .
Comment ? Dans ce pays lilliputien, songez-vous, légèrement désorienté et un peu angoissé par le maniement d'une voiture  neuve , il faut prendre une autoroute afin de gagner une rue tranquille exilée au cœur du quartier des Affaires ?
Vous vous perdez instantanément : le GPS est si perfectionné que vous ne parvenez pas à lui tirer un traître mot ! A votre immense étonnement , personne ne vous fustige de regards furibonds, ne lève un bras vengeur en votre piteuse direction ou ne vous inonde de klaxons rageurs . Un aimable garagiste vous explique avec une infinie patience le secret de votre machine parlante et calme vos nerfs d'un sourire . Tout ira bien !
 Tout va bien en effet. Le plateau de Kirchberg apparaît, avec lui un Luxembourg dont vous ne vous doutiez pas .
Voici le chantier du tramway bordant de grandes allées surmontées d'édifices à l'architecture audacieuse : partout des jeunes gens élégants et pressés, un paysage agreste encerclant des constructions presque futuristes ; soudain une énorme coquille surgit d'un songe surréaliste , toute enroulée sur un océan de blanches colonnes, c'est le temple de la musique, l'Auditorium construit par un architecte si célèbre que son nom vous échappe !
 Le temps de se promettre d'y entrer le plus vite possible, et déjà survient une kyrielle de rues aux noms de fleurs; un petit univers clos bâti depuis peu, enraciné en douceur entre des prairies portant encore leurs balles de foin , des jardins parfaits et d'autres plus sauvages . Un lac se cache au bas d'une forêt;à deux pas du monde bruissant  des arcanes de la Finance ,la campagne reprend ses droits. Premier contraste ! les autres surviennent en cascades.
Tout est contraste au Luxembourg !
Un pont plus loin, un tunnel, encore des palais modernes, des palais anciens, et on  déboule sans y penser dans le centre de cette ville aux multiples visage .
D'abord un chantier ,deux chantiers, un parc immense, un deuxième, un troisième, on ne les compte plus, est-ce une ville ou un jardin extraordinaire ?
Garer soigneusement la précieuse voiture allemande confiée à vos bons soins, ne demande qu'un court moment ; quel miracle dans une ville où le mot circulation n'est nullement vain ! il est l'heure de se reposer devant un plat typique mais pas trop , méfiance quand tu nous tiens...
La foule de tables envahissant les rues piétonnes brouille le choix . On se croirait presque dans le sud de la France .
Bavardages, appels, élégance répandue comme l'eau d'un torrent, allure preste des jeunes filles parfois blondes, souvent brunes, sacs posés sur l'avant-bras et talons conquérants, où sommes-nous ? Dans un pays au sang froid ? Sûrement pas !
La subtile lumière de cette fin d'été chatoie sur les façades de pierre embellies d'une nuance d'or pâle et  cisèle les envolées romantiques des tourelles haut-perchées .
 Place d'Armes, sous le soleil, l'atmosphère d'Aix-en-Provence, agrémentée de la gentillesse souriante typiquement luxembourgeoise, réchauffe le coeur sous la brise fraîche ! Au" Café Français", vous avez soudain l'agréable illusion d'être un hôte illustre tant l'affabilité est unanime .
La conversation s'engage avec un charmant naturel : vous avez affaire à un exilé de Sardaigne qui vous rassure d'un magnifique sourire sur ses états d'âme ; il est heureux de vivre au Luxembourg !sa grand-mère malade lui manque plus que son île ...
Vous quittez ce restaurant soigné en formulant des voeux sortis du coeur pour la guérison de cette inconnue qui vous semble proche tout à coup .Créer des liens un peu par hasard , est-ce cela l'aventure qui vous guette en parcourant le Grand-Duché ?
La zélée voiture allemande a maintenant l'obligeance de vous amener à bon port , avenue de la Liberté : un certain sens du romantisme et des prix assez raisonnables vous ont décidé à vous enticher de l'hôtel Molitor . Ce nom évocateur sonnait de façon rassurante ! soudain, le doute vous titille :votre hôtel est un vieil hôtel construit au début de l'autre siècle ; qu'allez-vous découvrir ?  Une bâtisse décatie ? Des grooms empaillés ? Un ascenseur décadent toujours en panne ?
 Comme les sottes frayeurs s'envolent vite au Luxembourg :  le parking de l'hôtel se dissimule sous une roseraie, ravissante promenade bordée  par un musée d'Art contemporain et prolongée d'un fastueux château  retranché derrière son secret... Un palais hanté  ? Peut-être... Malgré la banque qui s'enorgueillit de son titre de propriétaire, cette maison démesurée échappe aux esprits rationnels et dérive vers une atmosphère délicieusement "Belle-Epoque".
 L'hôtel tant redouté se détache sur l'avenue, désuet et raffiné ,façade enjolivée à l'instar d'une robe froufroutante, vaste porte vitrée, sourire de bienvenue franc et sympathique
 Au bout de cent ans et davantage, aucune odeur de moisi ! ambiance éminemment feutrée, et une chambre observant les règles d'un confort vite oublié à Paris ,capitale rude où il serait inconcevable de dormir dans moins de 18 mètres carrés en déboursant la même coquette somme ...
Le lendemain ,mille projets se bousculent .
 Rester entre les murs de la ville ancienne, plonger au profond des "casemates", baguenauder la mine réjouie et l'humeur candide entre le Palais du Grand-Duc et la vallée du "ground" ? Faire le touriste comme d'autres font les beaux ? Que non pas ! pourtant , une exposition vous tente terriblement ,les "images d'un monde serein" éparpillées dans ce havre exquis de la "Villa Vauban".
Tout ceci est séduisant , mais insuffisant ! le Luxembourg ne se résume en aucune façon à ses musées, ses boutiques splendides, ses balades charmantes au bord de son rocher tutélaire ; c'est un pays, pas un parc d'attraction ou un nid de faucons bancaires bien élevés .
Embrasser la réalité, c'est filer droit devant soi.
En premier lieu , sortir de la ville ! ensuite, ordonner à l'obéissant GPS, acceptant ce matin d'émettre ses précieuses indications de vive-voix, de vous guider droit vers un nom qui vous a plu .
Un mot sonore qui cristallise votre désir d'imprévisible : Vianden !
Qu'est-ce que ce Vianden au juste ? On dit que ce château fait corps avec le roc au dessus de son village aussi paisible que le vert paradis des amours chantées par Baudelaire .
Légende ou piège à visiteurs lassés de tout ? Peut-on retrouver le goût du bonheur à Vianden ? Ou ,à défaut de sa passion perdue , son simple plaisir d'enfant face à une citadelle digne de Lancelot ou Prince Vaillant ?
La route, bizarrement, s'allonge ...Ce Vianden existe-t-il ? On n'y croit plus en traversant forêts , champs et bourgs sur les toits desquels l'adjectif "coquet" est brandi à l'instar d'un invisible étendard .
Voletant au balcon des hôtels de ville , de grandes banderoles appellent les élèves à s'inscrire aux conservatoires du cru ; preuve touchante et efficace de cet amour  de la musique partagé même au plus reculé du Grand-Duché .Grosses collines , virages interminables, descentes brusques, mélèzes en ordre de bataille, serait-ce le "désert luxembourgeois" ?
Ciel ! serions-nous perdus au fin fond de cette contrée que nous imaginions dérisoire ?
 Vianden a-il sombré sous sa mer de nuages ? En réponse à cette interrogation sentant son romantisme passé de mode, le plus prodigieux des vieux châteaux rompt la forêt de sa masse hautaine.
 Une seconde plus tard, l'énorme coulée de noires ardoises avalant d'un trait l'irréfragable muraille de pierre blonde a regagné le royaume des contes . Mirage ? Hallucination ? Une consolation ; le joli village qui vient à votre rencontre !
 Cette fois , on s'invente un roman Suisse. Une armée de flambants géraniums dévale à toute vitesse
du haut des fenêtres sur les façades claires; une rivière fort bien élevée s'étire sous le pont gracieux. On chuchote afin de ne pas déranger les pécheurs taciturnes, alignés sur la rive, et on salue respectueusement la flopée de canards barbotant dans trente centimètres d'eau .
Mais le château dans ce "reposoir" faussement helvète ? Comment l'atteindre ?
Comment fuir ce calme éreintant qui suscite la malséante envie d'écrire une atroce intrigue policière, histoire de lutter contre cet engourdissement  subit...A l'office du tourisme , on vous explique que le chemin sera dur , escarpé ,pénible ; toutefois , l'épreuve en vaut la peine !
Rien n'aura raison de votre courage !
Vous vous élancez en dépit de la lourde chaleur , l'orage gronde et vous ne voulez pas l'entendre , entre ce château inaccessible et vous, c'est affaire de franc-jeu .
En Grèce Antique , une magicienne aurait freiné votre enthousiasme puéril de ses sombres prédictions. Ici, dans le ravissant village de Vianden , une très vieille dame accrochée au bras de son infirmière robuste, barre votre course ridicule de sa canne.
Vous montez au château, pourquoi vous épuiser sottement ?
 Regardez un peu ! Une sorte de sentier empierré se dérobe ,entre deux maisons ,voyez donc cette volée de marches!
Là ,oui, juste en face de l'église ; la canne agacée tournique et ne ment pas : le salut vous fait signe ! Ce merveilleux raccourci vous entraîne en grimpant sec dix courtes minutes sous le nez du gardien de la forteresse ! Avec la surprise ,dés la première pente gravie,d'une tour gothique s'élevant au dessus du belvédère naturel piquant droit sur les toits et vergers .
La chance vous poursuit : on ne paye pas en l'honneur de la" fête du livre "on se bouscule autour d'étalages de grimoires , dessins et livres disparates. C'est charmant et terrifiant .
Que découvrir en paix au sein de ce joyeux désordre ? Le château de vos rêves enfantins est pourtant à portée de main . Vous décevra-t-il ?
Atteindre le but de son voyage jette parfois dans la mélancolie .
Afin de lutter contre ce sentiment bizarre, vous vous forcez à bien vous conduire ; il est urgent de reprendre le sens des choses évidentes : ce féodal château a épousé la gloire des Hohenstaufen ; abandonné , déchu , écroulé au cours des siècles, vendu, puis cédé à l'Etat, l'infortuné délire de pierre, accédant au rang de monument historique, renoua, à partir de 1977, avec sa propre légende grâce aux talents et à l'obstination de ses sauveurs ;
charpentiers , maçons , artisans valeureux , tous exemplaires .
Ce géant  magnifique à la splendeur reconstruite émeut-t-il vraiment ?
 L'éblouissement , l'admiration palpitent au présent; les sortilèges du passé renaissent-ils ou dorment-ils à jamais ?  Vous errez de couloirs en escaliers , de terrasse en cours sans résoudre cette énigme ...
Il y a trop de monde dans ce château ! l'esprit des lieux se tait et vous partez sans vous retourner .
 Les plus belles choses se comprennent mieux dans le silence éloquent et la solitude inspirée.
 La douceur marque les tempéraments sensibles autant que la magnificence ; cette vérité s'applique à un endroit singulier, un refuge pour amoureux, esthètes, poètes, paresseux, amateurs d'art.
Autant dire tous les originaux se moquant des pépiements de leurs portables et cherchant un sanctuaire bercé par le doux vacarme des oiseaux . Cette île fortunée ou Villa Vauban , officiellement Musée d'Art de la Ville de Luxembourg, demeure idéale pour une jolie femme  glissant en crinoline sur l'herbe tendre de ses pelouses, se révèle absolument irremplaçable !
Surtout au beau milieu d'un dimanche de temps clair quand on meurt de joie en écoutant clapoter l'eau de l'étang ,à demi- enseveli sous des buissons de fleurs resplendissantes , tandis que le bruit citadin s'étiole sur les gazons aussi moelleux que du velours .
De rayonnantes images d'un univers que l'on voudrait encore tangible vous prient de quitter cette quiétude agreste .N' avez-vous une exposition à voir ? Les peintres romantiques de la "Vieille-Europe" nimbent les salles d'exposition de leur lumière ineffable .Vous avancez respectueux , timide , et c'est le coup de foudre !
Qu'importe l'étrange architecture sobrement moderne prolongeant cette plantureuse Villa du second Empire,votre coeur bat à se rompre . l'art , ce n'est rien et c'est tout ce qui donne son sel et son sens à nos vies.
Un tableau vous obsède comme un ami perdu.
Suave, délicat, un lac bleui par le ciel s'enfuit au bas d'une ligne d'impénétrables montagnes ; évocation d'un rivage solitaire envahi de nature vigoureuse mais bienveillante.
 Paysage spirituel, harmonie terrestre : en 1849, l'artiste, Alexandre Calame, a transfiguré pour l'éternité  le lac de Genève !
Vous le quittez, découvrez des merveilles, un voilier luttant contre la violence des vagues rageuses ,le pont d'Avignon inondé de rose et de roux,une chasse au faucon brossée dans le pur style troubadour et un aréopage de scènes galantes ou familières , mais , un seul tableau vous manque et le Musée est dépeuplé ...
Vous revenez sur vos pas, et planté à l'instar d'un piquet insolite, éveillant les craintes légitimes du gardien attaché à votre déambulation désordonnée, vous entamez avec la toile un dialogue de sourd. Vous l'aimez ce tableau, peut-être vous le rend-t-il ! Tant pis pour vous , on vous le confirme avec une pointe de raideur , il n'est pas à vendre ! par contre , les portes de la Villa vous sont largement ouvertes ... Il faut savoir se contenter des petits bonheurs .
Prenant ce principe à la lettre ,vous finissez en musique ! mieux : vous vous levez, hilare, vêtu de vos plus beaux atours, et applaudissez à vous écorcher les mains les joyeux drilles, les géniaux trublions du "Philharmonique de Vienne".
 Un programme endiablé sous le plafond chocolat d'un Grand Auditorium bâti de centaines de colonnes dansantes blanches comme la neige, un final ahurissant de bonne humeur: la "Panthère rose" a soulevé le public disparate et souriant .
Le Luxembourg, pays des sourires, pays énergique, vibrant, sensible, fier sans arrogance.
Pays que vous regrettez déjà et que vous n'épuiserez qu'au bout de cent ans !

A bientôt ,
Lady Alix


                                                     Château de Vianden (Luxembourg)


                                                             Château de St Michel de Lanès
                                                        Cabinet St Michel Immobilier CSMI

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