Pages Capriotes
Décembre humaniste à Anacapri
L'hiver sur l'île de Capri a mauvais
réputation chez les voyageurs obsédés par les escapades sous le
soleil brûlant.
L'hiver est accusé de tous les maux ! on l'accable, on le renie, on le traite comme un mauvais génie, une espèce de monstre qui, armé d'un sinistre plaisir, piétine la joie de vivre et s'acharne à décevoir même les amoureux de l'île ! L'hiver inonderait de mélancolie, surtout ces âmes naïves qui s'entêtent à chercher sur le rocher des Sirènes un jardin miraculeux .
L'hiver est accusé de tous les maux ! on l'accable, on le renie, on le traite comme un mauvais génie, une espèce de monstre qui, armé d'un sinistre plaisir, piétine la joie de vivre et s'acharne à décevoir même les amoureux de l'île ! L'hiver inonderait de mélancolie, surtout ces âmes naïves qui s'entêtent à chercher sur le rocher des Sirènes un jardin miraculeux .
Rien ne me semble plus faux. Je défends
la cause de l'hiver à Capri, j'aime à la folie cette fin d'automne
qui vous prend par la main sur le port de Marina Grande enfin libéré
de sa frénésie artificielle .
Quel plaisir de grimper sur les hauteurs exquises et souriantes d'Anacapri ,emporté , soulevé, par la lumière franche et humide bleuissant les falaises …
Quel plaisir de grimper sur les hauteurs exquises et souriantes d'Anacapri ,emporté , soulevé, par la lumière franche et humide bleuissant les falaises …
Quel sentiment singulier ne
s'empare-t-il de votre cœur à l'orée de l'hiver, quand vous
franchissez l'ancienne porte d'Anacapri, celle qui vous attend comme
un vieil ami soudain de retour au dessus de la Scala Fenicia.
Vous longez la via Munthe, frôlez les
roches où dégringolent des guirlandes de feuilles et de fleurs
humides, personne ne vous bouscule comme si votre existence n'avait
nulle pesanteur ; aimable, presque furtif, un passant vous salue
et vous lui répondez, vous êtes heureux de parler en italien,
heureux d'être seul ou presque à votre arrivée sur l'immense «
balcon d'Anacapri ».
Joie simple, joie enfantine, joie
d'entendre la sauvage clameur de la mer, joie de perdre son regard
dans le golfe de Naples comme si votre solitude épousait celle de
l'hiver.
Vous fermez les yeux et vous respirez
l'île toute entière, pas un bruit, juste la chanson farouche et
suave du vent à la fraîcheur humide, le piquant parfum des feuilles
de citronniers baignés de la dernière ondée.
L'hiver est un bon génie ! En cette saison, les rencontres sont charmantes, naturelles, les sourires aisés, les poignées de main robustes et fermes. On ne craint plus de se heurter aux promeneurs en rang serrés, arpentant les sentiers battus sous l'autorité d'un guide hurlant ses conseils avisés ! On noue des liens sans y penser, sous la protection de Santa Sofia, San Antonio, San Michele, San Costanzo,et peut-être de sa bonne étoile.
L'hiver est un bon génie ! En cette saison, les rencontres sont charmantes, naturelles, les sourires aisés, les poignées de main robustes et fermes. On ne craint plus de se heurter aux promeneurs en rang serrés, arpentant les sentiers battus sous l'autorité d'un guide hurlant ses conseils avisés ! On noue des liens sans y penser, sous la protection de Santa Sofia, San Antonio, San Michele, San Costanzo,et peut-être de sa bonne étoile.
On découvre avec douceur ceux qui
restent sur l'île à longueur de temps, ceux dont les ancêtres ont
guidé à l'époque intrépide et élégante du « Grand Tour »
Vivant Denon, Maxime du Camp ou Alexandre Dumas !
Quelle moisson d'esprits vifs et
curieux qui n'avaient cure des saisons à la mode et des visites au
pas de course vers des lieux décrétés extraordinaires par un
jugement autoritaire.
C'est à ces voyageurs incisifs qui ne
posaient jamais, ne sombraient jamais dans la sotte arrogance, et
épient avec bonté les menus détails d'un quotidien parfois
saugrenu, souvent attendrissant, toujours déconcertant, que je
songeai en l'église Santa Sofia d'Anacapri.
Une église aussi ravissante qu'un
bouquet de fleurs blanches qui enchante de sa grâce le cœur de ce
vaste village. Je rêvai, je priai ...Soudain, je vis à mes pieds
un petit chien qui me considérait de toute la douceur de son regard
compatissant... Une minute plus tard, ce discret compagnon qui
s'efforçait de prodiguer sa sollicitude à une inconnue, me salua à
sa façon, et repartit à la suite de sa maîtresse, humble, et comme
recueilli …
L'Italie n'est-elle la patrie de
Saint-François d'Assise ?
Plus tard, en dînant à la « Taberna
degli amici », avec une très charmante dame d'Anacapri, je
racontai cette rencontre, quand mon amie me demanda, étonnée,
« Mais, voyons, en France, les animaux que vous aimez ne vous
accompagnent pas à l'église ? » …
Le matin de notre arrivée,
l'homme-mari désespéré se lamenta, il avait besoin de voir un
opticien de manière urgente, sinon, menaçait-il avec l'aplomb des
hommes-maris , il s'embarquerait le lendemain pour Naples, d'ailleurs
qui trouver en fin novembre, saison où les gens doués de raison
restent chez eux au lieu de s'embarquer sur une mer aux humeurs de
femme jalouse, qui serait capable de l'aider à y voir clair sur
cette île ?
Un moment après, nous suppliâmes
timidement un homme distingué de ne pas abandonner un malheureux
voyageur qui avait besoin de lunettes afin de ne pas maudire l'hiver
à Anacapri... Pourquoi se mettre en pareil état ? Revenez tout
à l'heure , nous dit-on avec cette gentillesse qui est
l'apanage des habitants de l'île.
Le soir tomba, les ennuis de
l'homme-mari prirent fin, et nous découvrîmes un cœur généreux,
un violoniste à la générosité exemplaire caché sous la blouse de
l'opticien...Un poète aussi qui nous confia avoir écrit le récit,
bientôt traduit en braille, d'une escapade parmi les beautés
d'Anacapri ressenties et non vues par un jeune aveugle... Amadeo
Bagnasco, ce vrai chevalier des aveugles d'Italie, nous fit don de
son livre et nous lui promîmes notre amitié.
Une conversation avec un humaniste et
un cœur plein de bonté est chose rare, que renforce au centuple une
tendresse passionnée pour ce monde d'Anacapri, peint d'une plume
alerte et vibrante au fil de huit balades presque musicales.
De subtils sortilèges résonnent de la
montagne du Solaro et cascadent vers le Faro, la majestueuse Casa
Rossa, les vertiges de la Migliara, la via Filietto, la tour de
Damecuta, la grotte d'Azzurra, la Scala Fenicia... La beauté
s'entend, se touche, la beauté rependit dans la nuit d'un jeune
aveugle qui la contemple de son œil intérieur...
Voici la splendide morale nourrie du
sens de l'ineffable du conte d'Amadeo « La Scatola dei
Segreti »...
Encore émus, c'est en pleine nuit, à
force d'errer sur les pavés ciselés par le temps, entre les enfants
exubérants, les promeneurs qui se répandent en salutations
exquises, les amoureux chavirés d'amour, les orangers opulents
frères de ceux qui éblouirent Ulysse dans le verger merveilleux du
roi des Phéaciens, et les boutiques pareilles aux délicieux et
désordonnés bazars de notre enfance, paradis désuets regorgeant de
santons, jouets, biscuits, limoncello, pantoufles, bijoux,
cafetières, savons, parapluies et parfums, que nous trouvâmes
refuge dans un restaurant minuscule blotti contre le flanc de
l'église Santa Sofia .
L'endroit était en sommeil, le jeune
patron aimable et contrit nous proposa les ressources de l'hiver ;
nous ne comprîmes rien et acceptèrent tout.Ce « tout »
fut une motte de Mozzarella prête à rassasier une famille entière
...Assurés de ne pas nous évanouir d'inanition, nous jetâmes un
coup d’œil sur la table voisine d'où partait un vacarme à faire
croire à une dispute de dieux de l'Olympe venus sur l'île afin de
renouer avec l'époque glorieuse où Auguste et Tibère leur
bâtissaient des palais aux blanches colonnes.
Les convives, un cercle d'amis de très
longue date, étaient plongés dans la plus passionnante et
volcanique des conversations ; faces burinés couleur de bronze,
parfaitement « verts » et invariablement galants, les
mains éloquentes dressées vers le ciel, le parler torrentiel, le
rire sonore, ils répétaient en le scandant un mot évocateur
« Amore , amore, amore ! »..
Ce chœur antique, émoustillé et
enthousiaste, avait pour toile de fond la plus splendide des crèches
de Noël, une ville entière s'épanouissant d'un bout à l'autre de
la pièce, bergers, gardiennes d'oies, troupeaux de moutons, princes
aux habits d'or et de pourpre, montagnes et bord de mer, palais et
chaumières …
Charmée, je m'enquis des habiles
créateurs, « C'est mon père et ma mère qui sont venus ce
matin , nous avons fini juste pour ce soir ! »
Le lendemain, descente glissante sous
le soleil dompté vers les jardins mystérieux de Caprile ; la
mer, violette et verdie, s'allonge vers les falaises hautaines,
l'horizon immobile lave la mémoire, guérit et repose.
Nous l'ignorons encore mais nous aurons
encore d'autres rencontres les prochains jours. Nous parlerons en
mauvais italien à de nouvelles connaissances amusées et aimables,
déclencherons les rires et les invitations à revenir, quand les
fleurs envahiront les sentiers, et que la mer haletante ne secouera
plus les plages épouvantées et les rochers impavides.
Je m'esquive, sans honte aucune, juste avant l'heure du
départ, afin d'acheter chez "Da Geny", ravissante boutique historique où le goût est d'un raffinement incomparable,une œuvre d'art minuscule, un panier de fleurs délicates en porcelaine de Capodimonte.
En face de la villa romaine restaurée avec tant de passion par Axel Munthe,"Da Geny" est véritablement dans la plus irrésistible des boutiques vouées à la bijouterie et à l'artisanat de la via Capodimonte. La belle Chiara,la jeune fille qui me l'enveloppe avec grand soin a un profil grec et une distinction romaine.C'est la fierté de son père, un gentilhomme de Caprile, qui à chacune de mes visites déploie une patience admirable afin de m'aider à prononcer les mots qui m'échappent.
Je leur fais mes adieux, hélas ! et nous grimpons dans le bus qui s'évertue à frôler le précipice avec un détachement sublime … .
En face de la villa romaine restaurée avec tant de passion par Axel Munthe,"Da Geny" est véritablement dans la plus irrésistible des boutiques vouées à la bijouterie et à l'artisanat de la via Capodimonte. La belle Chiara,la jeune fille qui me l'enveloppe avec grand soin a un profil grec et une distinction romaine.C'est la fierté de son père, un gentilhomme de Caprile, qui à chacune de mes visites déploie une patience admirable afin de m'aider à prononcer les mots qui m'échappent.
Je leur fais mes adieux, hélas ! et nous grimpons dans le bus qui s'évertue à frôler le précipice avec un détachement sublime … .
Le port est gris pâle, le bateau de
Naples affrontant la houle se devine à peine, les barques gisent,
mélancoliques,inutiles, sur les cailloux trempés d'écume.
Puis, comme si les divinités antiques
avaient envie d'adoucir notre départ, la mer chatoie, la lumière
envoie les nuées livides au bout du monde, les petites maisons
blanches et roses luisent comme au printemps, au sommet des montagnes
s'éveille une preste lueur rendant aux bois sombres la vigueur du
vert vif...
L'île donne son adieu d'hiver à ceux
qui, le cœur en exil, montent sur le bateau …
A bientôt ! pour la suite de mon roman
épistolaire, ou de ma « Chronique de Capri »...
Nathalie-Alix de La Panouse
PS: le livre d'Amadeao Bagnasco « La
Scatola dei Segrei, Anacapri nei tuoi occhi »( Edizioni
promediacom): Via giuseppe Orlandi, 191, 80071 Anacapri (Na)
email:otticocimmino.it
Ce conte est vendu afin de soutenir la
cause des aveugles d'Italie, et il est à lui seul une promenade
romantique et rêveuse, à Anacapri !
Le blason d'Anacapri: le village accroché aux pentes du Monte Solaro, le sanctuaire inconnu des touristes impatients, |
un'incontro di luce, insieme a voi, cara Nathalie.
RépondreSupprimerun sorriso amichevole, un conversare sincero, come vecchi amici.
a volte l'amicizia è più vecchia di noi, ci precede e prepara incontri con chi riconosciamo di conoscere già.
spero che presto il libro possa essere tradotto in francese,
per comunicare tutta la sua forza, la sua luce,
ai nostri fratelli e sorelle di Francia.
a presto, cara Nathalie!
con sincera amicizia
Amedeo