Un soir à l'ambassade de
Grande-Bretagne:
L'art de célébrer la "Colonie Franco-Britannique de Sillery" dans un jardin Anglais
L'art de célébrer la "Colonie Franco-Britannique de Sillery" dans un jardin Anglais
J'étais l'autre soir à Paris et bien
mieux, à l'ambassade de Grande-Bretagne, rêve de pierre qui a vu
Louis XV, roi Bien Aimé de la précieuse et fragile Marquise de
Pompadour. Cette parfaite demeure de gentilhomme ayant ses entrées à
la cour a de nos jours l'honneur de loger son Excellence
l'Ambassadeur de Sa Majesté ...
Rue du Faubourg-Saint-Honoré, quasi
l'Olympe de la France, deux anciens hôtels particuliers voisinent en
réalité au service de la Grande-Bretagne avec une sobre splendeur.
La Résidence actuelle de l'Ambassadeur fut l'ancien hôtel de la
sœur dévouée de l'empereur Napoléon, la fidèle, l'aimante
Pauline Borghèse.
C'est un de ces palais secrets qui
bruissent et bourdonnent derrière leurs porches hautains à l'instar
d'étranges planètes gravitant autour de leur immuable étoile:
l'Elysée...
Or, une fois l'an, nous avons
l'insigne honneur de figurer, nous les obscurs provinciaux, parmi la
foule feutrée admise sur les terrasses et jardins de l'un de ces
palais. Ce spectacle ravit, déconcerte et émeut, surtout si l'on
sort d'une campagne profonde dont le silence et la solitude ne sont
rompus que par le seul vacarme des tracteurs et autres machines
indispensables à la survie rurale.
Cendrillon du sud, au bras d'un
homme-mari qui commence à s'habituer aux lois non écrites de la
bienséance parisienne, j'évolue à pas comptés autour des pelouses
lisses que nul barbare ne s'autoriserait à fouler. Puis, piquée par
une regrettable manie d'impertinence, je loue à voix-haute la
beauté du parc d' à côté. Et il se trouve toujours quelque
divinité en smoking pour expliquer d'une voix lasse à la dame
ignorante venue d'un hameau inconnu que cette perfection jardinière
pare « l'Ambassade de Grande-Bretagne ».
Jamais, pensé-je au grand jamais les
portes de ce île interdite ne s'ouvriraient devant nous .Quel dommage d'ailleurs !
l'Ambassade de Grande-Bretagne resplendissait dans mon imagination,
qui n'aime rien tant que battre la campagne, des bouderies de Louise
de Vilmorin, Sirène du Salon Vert, des rires narquois de Nancy
Mitford qui inventa la chronique de l'Ambassade dans son
étincelant « Don't tell Alfred », et de la grâce
éthérée de Lady Diana Cooper.
Et ,bien avant ces fantômes des années
cinquante à l'allure inimitable, les échos ténus du palais
Borghèse ne laissent-ils échapper claquements d'éventails,
froissements de soie, fausses et vraies confidences du monde évanoui
qui parfois s'échappe des tableaux de Fragonard, Ingres et Corot ?
Ainsi, honte à moi, créature
romanesque, ce haut-lieu où s'élabore avec gravité la politique de
la Grande-Bretagne en France me semblait le palais des légendes et
amours perdues.
Louise de Vilmorin, certainement aussi
fantasque dans le royaume invisible que jadis sur Terre, eût-elle le
caprice de me jouer un tour ?
Un matin d'avril, un de ces jours où
l'averse morose tournoie sur l'herbe haute, où la campagne
s'embourbe, où le vent n'en finit plus de glacer les maisons
humides,je reçus un carton frappé d'un blason doré.
Au dessous de la devise superbe :
« Dieu et mon droit », la plus aimable des invitations
émanant du plus aimable des ambassadeurs et des plus aimables
inconnus …
Ciel ! Que voulait-on de nous ?
Rien d'accablant ! juste notre
présence un soir afin de célébrer une aïeule qui fit de l'amitié
Franco-Anglaise son idéal, au point de créer une œuvre de
bienfaisance extraordinaire : la Fondation Franco-Britannique de
Sillery, maison de repos destinée à redonner santé, forces, amour
de la vie aux soldats valeureux, héros, Anglais et Français de la
première guerre mondiale. Initiative d'une singulière générosité
qui perdure encore, les blessés de l'existence ayant succédé aux
« Poilus » .. .
Cette grande dame embaumée en l'état
de légende familiale reprit vie en un battement de cil ! je crus
la voir, l'entendre, je me surpris à la remercier, elle éclata de
rire et me conseilla de ne en dire trop, n'en avais-je pas assez
entendu lors des déjeuners familiaux ?
« Oui, mais l'histoire de votre
révérence manquée au monarque Britannique qui du coup dévala les
marches de son trône afin de vous relever, devrais-je en priver la
postérité ? « dis-je avec un enthousiasme qui l'amusa
de plus belle. « J'accepte ! s'écria-t-elle, vois-tu, ma
réputation de femme parfaite m'agace, je voudrais tant que l'on
évoque mes bévues, mes foucades, mes fous-rires, savais-tu que nous
sommes tous jeunes sur l'autre rive ? »Sur cette
révélation réconfortante, elle disparût , en me laissant face à
un abîme de perplexité: qu'allions-nous faire en cet Olympe
diplomatique ? Refuser, non, il n'en était pas question,
l'homme-mari éclata de fierté à la nouvelle, une aïeule aimée
des Anglais ! Cela valait la peine de franchir les centaines de
kilomètres nous séparant de la rue du Faubourg …
Dussions-nous loger dans une soupente
ruineuse et affronter les regards moqueurs des Parisiennes balançant
leur sac sur l'avant-bras, flottant plutôt qu'elles ne marchent du
haut de leurs talons exquis sur les précieux pavés du quartier le
plus mystérieux de Paris !
Nous échouâmes ainsi à une encablure
de l'Elysée dans un charmant hôtel hypocritement modeste dont le
prix « raisonnable » nous parût une énorme folie .
L'heure fatale sonna ! cachant
l'un à l'autre une légère appréhension, nous décidâmes,
d'aller à pied à l'ambassade afin d'apaiser nos nerfs tendus.
Le carton priait les heureux élus de
se vêtir en « tenue de ville » ; je pense que rien
n'est plus ardu à interpréter quand l'on a le bonheur d'être un
« rat des champs » !
Un ami habitué au sérail diplomatique
avait rejeté avec horreur le rouge, couleur qui suscite les guerres
sans doute. le vert ne l'avait guère convaincu, nuance peut-être
vénéneuse ! Ce digne retraité du Corps Diplomatique, fort de
son expérience irremplaçable, préconisait le « grand
deuil », uniforme contre lequel j'osai me rebeller.
L'homme-mari et moi choisirent la prudence touchante du bleu marine :
quoi de plus Anglais d'ailleurs ?
Une élégante évocation des pensionnats chics ou de la Marine de Sa Majesté !
Une élégante évocation des pensionnats chics ou de la Marine de Sa Majesté !
Nous aurions dû palpiter de joie,
j'avoue qu'il nous semblait monter à l'échafaud .
Je mourais d'envie de filer à
l'Anglaise vers un endroit plus facile à vivre pour les simples
mortels . Hélas, l'homme-mari avançait pareil à un soldat
marchant au front ! À moins de déclencher une horrible crise
conjugale, il n'y avait plus d'espoir de fuite en avant.
Le numéro 39 du Faubourg le plus
célèbre de notre planète se présenta en dix minutes. Un délicat
soleil printanier envoyait ses doux rayons sur la cour ouverte aux
élus de l'Ambassadeur.
Hélas ! à notre extrême
angoisse, le terrifiant Cerbère Anglais ne comprit rien à notre nom
Français !
Nous n'existions pas : « Vous
n'êtes pas sur la liste, veuillez partir , je vous prie. »
Voici que trois personnages en costume
sombre se précipitent sur notre couple au bord de la panique ! Serions-nous victimes d'une
mauvaise plaisanterie, d'une affreuse machination ?
Non ! Juste d'un fatal outrage
perpétré sur le patronyme de l'homme-mari … un flot d'excuses,
une volée de marches, un hall de belle taille, et l'imposant
portrait de la reine Victoria dans l'éclat de sa jeunesse. Miracle,
nous y sommes !
Cette fois, ce ne sont plus des gardes
méfiants mais deux charmantes personnes tout sourires qui fondent
sur les souvenirs vivants de la grand-mère de l'homme-mari ;
incroyable, nous dit-on avec un entrain sincère, vous êtes venus !
Voilà une gentillesse qui nous incite
à déployer des trésors d'affabilité. On nous le rend bien et tout
va pour le mieux dans cette Grande-Bretagne en réduction. Tout va
même à un train infernal ! entre les virevoltes des
petits-fours, et la ronde des conversations décousues, je ne
parviens guère à m'éclipser sur le gazon Anglais, j'esquisse un
pas, trop tard !
L'ambassadeur s'exprime, il faut se
taire ! L'Ambassadeur a parlé !
Ses mots célébrant la bonté et
l'altruisme des acteurs de la fondation de Sillery sont allés droit
aux cœurs aussi bien Anglais que Français, c'est un magnifique
exemple de l'art diplomatique qui entend réunir les peuples et
instaurer l'harmonie. Un gentilhomme Français à l'allure Anglaise
nous présente ensuite les deux artistes chargées de la redoutable
mission de nous ensorceler.
Il semble amoureux de chacune et nous
sommes prêts à en faire autant.
Le concert n'attend pas, nous voici
installés sous les guirlandes d'ors du salon de musique ;
l'assemblée d'une distinction extraordinaire se recueille tandis
qu'une frêle jeune fille, Mademoiselle Anne de Boysson, dompte le
piano de ses compositions subtiles, « Images » « Fugitive »
et « Infinité Astrale ». L'émotion pure efface le
décor, les regards se font vagues, et, profitant de cette vaporeuse
rêverie saisissant ses invités, l'Ambassadeur de Grande-Bretagne se
sauve ...à la Française !
La seconde pianiste, Dona Sévène, a
décidé, nous dit-elle avec une flamme enthousiaste, de recréer les
fastes de l'ambassade à l'époque romantique. L'âme fiévreuse de
Frédéric Chopin s'élance sur les ailes de sa Fantaisie-impromptu
opus 66 et de la Grande Polonaise Brillante : nous sommes
ranimés et reverdis !
C'est sublime et cela s'achève par une
révérence en taffetas bleu marine et un ouragan d'applaudissements.
La soirée se prolonge sans s'essouffler
devant les hautes fenêtres irisées du soleil couchant.
L'esprit de l'entente cordiale s'ébroue
dans des bavardages secoués du divin humour manié avec art par les
sujets de Sa Majesté.L'Ambassadeur revient,on lui présente
l'homme-mari qui me fait signe de venir; je n'obéis pas, je suis en
train de rire avec une paysagiste Anglaise qui plaint mon jardin de
subir la canicule du sud de la France, l'homme-mari insiste; je
résiste à sa muette injonction, j'écoute avec passion un
diplomate vert-galant qui m'explique la meilleure manière de
fabriquer un excellent whisky. Ce galant homme ignore qu'il a affaire
à une Française qui ne boit que de l'eau ! L'Ambassadeur s'est
définitivement envolé et l'homme-mari me rejoint flanqué d'un
aréopage de Dames Britanniques de grande distinction qui lui
vantent les vertus de sa grand-mère.
« Vous savez, c'était avant tout une croqueuse de vie .» rétorque-t-il en suscitant leur surprise.
Les en vaste entreprise luttant pour l'insertion regard tendre quand elle rosit sous nos félicitations.Nous sommes revenus à l'époque de « la douceur de vivre" chère à Talleyrand et à la malicieuse Adélaïde de Flahaut dont les petites filles accompagnèrent leur Ecossaise de mère dans les salons de l'Ambassade.
« Vous savez, c'était avant tout une croqueuse de vie .» rétorque-t-il en suscitant leur surprise.
Les en vaste entreprise luttant pour l'insertion regard tendre quand elle rosit sous nos félicitations.Nous sommes revenus à l'époque de « la douceur de vivre" chère à Talleyrand et à la malicieuse Adélaïde de Flahaut dont les petites filles accompagnèrent leur Ecossaise de mère dans les salons de l'Ambassade.
Le soir ombre soudain de mauve et de rose la pelouse de
velours vert.
On nous offre un album racontant l'histoire de la" Colonie Franco-Britannique de Sillery". L'énergie infaillible de la complice de la grand-mère de l'homme-mari traverse les dessins naïfs : autoritaire pour le bien de tous, tenace, optimiste, Amélie de Pitteurs clamant « Le service ! d'abord, le service ! » devient une égérie, une héroïne, une légende de la générosité .Ne sauva-t-elle des enfants juifs annoncés comme tuberculeux ?
Une femme »impossible » assurément, mais d'une bonté à toute épreuve, et d'une modernité incomparable .
On nous offre un album racontant l'histoire de la" Colonie Franco-Britannique de Sillery". L'énergie infaillible de la complice de la grand-mère de l'homme-mari traverse les dessins naïfs : autoritaire pour le bien de tous, tenace, optimiste, Amélie de Pitteurs clamant « Le service ! d'abord, le service ! » devient une égérie, une héroïne, une légende de la générosité .Ne sauva-t-elle des enfants juifs annoncés comme tuberculeux ?
Une femme »impossible » assurément, mais d'une bonté à toute épreuve, et d'une modernité incomparable .
Les adieux fusent, on nous promet
de nous donner des nouvelles de cette belle oeuvre Franco-Anglaise formant et aidant les plus fragiles de notre société, une utopie devenue aussitôt concrète, née voici cent ans, sous l'égide de personnalités admirables qui n'auraient sans doute rien compris au Brexit ...
Il faut saluer l'aimable compagnie et
retrouver le Faubourg peuplé de Parisiens au pas hâtif.
Ce soir, le paradis terrestre se pare
des prestiges d'un jardin Anglais !
A bientôt !
Lady Alix
(ou Nathalie-Alix de La Panouse)
(ou Nathalie-Alix de La Panouse)
Fondation Franco-Britannique de
Sillery,
Château de Sillery, Epinay Sur Orge
Fête du Centenaire le premier juin
2019
Bande dessinée du centenaire, récit regorgeant de poésie et de tendresse de "la Franco British
Colony for convalescents incorporated":
ffbs100ans@ffbs-sillery ,com
Colony for convalescents incorporated":
ffbs100ans@ffbs-sillery ,com
Fondation de la Vicomtesse Louis de La Panouse 1919 |
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