Chapitre 47
Les amants du Louvre
Lettre d'Adélaïde de Flahaut à
Louise d'Albany
Paris le 30 avril 1792
Ma chère Louise,
Vous êtes un ange et une égoïste,
oui j'insiste sur ce mot qui ne vous plaira guère !
Vous penserez à une plaisanterie, cela
est presque vrai , mais point tout à fait faux.
Vous avez à cœur de me dépeindre la
vie brillante et sans souci que l'on mène dans votre refuge de
Florence qui passe pour la ville la plus endormie du monde !
Vous me vantez vos couchers de soleil
jaune citron et ces fringants cavaliers qui caracolent sur les
chemins de San Miniato avant de caqueter dans votre salon sur la
pluie, le beau du temps et peut-être ces Français qui ne savent
plus où ils en sont .
Mais vos beaux Florentins le savent-ils eux-mêmes ? Ne sommeillent-ils sur le lit de leur gloire, pareils à ces soleils couchants qui vous fascinent tant ?
Mais vos beaux Florentins le savent-ils eux-mêmes ? Ne sommeillent-ils sur le lit de leur gloire, pareils à ces soleils couchants qui vous fascinent tant ?
Selon vos lettres, nul ne semble
regretter le départ du grand-duc François, empereur d'Autriche
depuis le premier du mois ! Vous ne me dites point si le bon
peuple de Florence déplore la mort brutale de son père, qui
s'illustra en souverain libéral de la Toscane, avant d'accéder aux
lourdes charges de l'empire
.On chuchote à Paris qu'une main criminelle l'aurait empoisonné …
.On chuchote à Paris qu'une main criminelle l'aurait empoisonné …
Ce bruit court-il le long de l'Arno ?
Votre silence serait-il une réponse ? Ou la preuve que vous
pratiquez à merveille le savoir-vivre des hiératiques Florentins ?
Nul ne semble attacher d'importance au nouveau rang du jeune prince
qui s'attache avec la plus charmante désinvolture à sauvegarder la
paix et la prospérité dans sa Toscane trop engourdie pour que l'on
s' y offusque des mots de liberté et d'égalité...
Ne sont-ce là idéaux confus qui ne
nourrissent point son homme ?
Vous ne vous souciez à vrai dire, ma
chère Louise, que de tableaux extraordinaires car l'extraordinaire
se voit à chaque coin de rue à Florence,et, bien entendu, de la
main de je ne sais quel maître de l'époque du Magnifique, vous
écoutez des opéras, souvent de la main de votre chevalier Alfieri ,
mais qui pleurnichent tous en vantant la folie amoureuse et ses
tourments exquis !
Vos amis vous entraînent sur les
collines plantées de cyprès, de vignes et d'oliviers et vous
souriez face à l'horizon du jaune le plus tendre baignée d'une paix
immatérielle, vous vous sentez oiseau et non plus femme, à vos
pieds coule le fleuve blond.
Quel charme puissant éteint-il en ce lieu clos sur ses splendeurs la flamme intrépide et folle de jadis ? A vous lire, Florence ne vit plus qu'en beau décor de théâtre abritant une société qui s'écoute parler dans le vent du soir, et dont les amours se jouent sur le mode de la comédie !
Quel charme puissant éteint-il en ce lieu clos sur ses splendeurs la flamme intrépide et folle de jadis ? A vous lire, Florence ne vit plus qu'en beau décor de théâtre abritant une société qui s'écoute parler dans le vent du soir, et dont les amours se jouent sur le mode de la comédie !
A vous lire, Louise, je ressens
l'enchantement profond que l'on gagne à habiter un monde hanté par
son passé ; mais à Paris, nous vivons chaque jour comme si
c'était le dernier, le présent danse sur un fil à l'instar de
notre avenir ...
Vous doutez-vous que la guerre
déclarée le vingt dernier au nouvel empereur d'Autriche et qui vous
paraît un caprice fort lointain, est une réalité des plus cruelles
pour notre pays ?
Nos députés puiseraient-ils dans cette humeur belliqueuse la force qui leur manque pour assurer la paix dans une France en proie aux outrages de la violence et de la délation ? Hélas, je le crains, car le prétexte de ce conflit est bien mince : Paris exige que Vienne lui livre les émigrés français …
Nos députés puiseraient-ils dans cette humeur belliqueuse la force qui leur manque pour assurer la paix dans une France en proie aux outrages de la violence et de la délation ? Hélas, je le crains, car le prétexte de ce conflit est bien mince : Paris exige que Vienne lui livre les émigrés français …
C'est une chasse à l'homme lancée
dans toute l'Europe qui débute en Autriche ! or, la France
possède-t-elle une armée entraînée capable de vaincre non
seulement l'Autriche mais d'autres pays, et si monsieur de Talleyrand
échoue dans sa négociation, l'Angleterre ! Alors, nous serons
perdus ...
Puisque tout se sait à Florence, vous
le savez , Louise !
Oui, Monsieur de Talleyrand est à
nouveau sur le sol britannique, il ne doute pas d'obtenir la
neutralité du bon roi George. En attendant cette victoire qui
devrait lui assurer un ministère, mon ami a de ces faiblesses, il
daigne me mander des nouvelles qu'il me supplie de ne point répandre.
Jugez un peu de mon supplice! au moins je puis vous révéler que les beautés de Londres le laissent de glace, qu'ils les trouvent insipides, occupées de leurs animaux de compagnie, de leurs enfants, de leurs maisonnées, ou mieux, des soins à donner aux immenses parcs conçus grâce à l'or de leurs époux par le génie autoritaire de Capability Brown, ce jardinier qui s'est ingénié à remplir les domaines de lacs, temples à colonnes, immenses pelouses et hautes herbes, afin d'élever l'âme et la pensée !
Jugez un peu de mon supplice! au moins je puis vous révéler que les beautés de Londres le laissent de glace, qu'ils les trouvent insipides, occupées de leurs animaux de compagnie, de leurs enfants, de leurs maisonnées, ou mieux, des soins à donner aux immenses parcs conçus grâce à l'or de leurs époux par le génie autoritaire de Capability Brown, ce jardinier qui s'est ingénié à remplir les domaines de lacs, temples à colonnes, immenses pelouses et hautes herbes, afin d'élever l'âme et la pensée !
Je m'en réjouis ! Je souffre
assez sans le dire de l'attachement affecté par la turbulente
Germaine à l'égard de mon ami.
D'ailleurs, même si j'avais le mauvais goût de me plaindre, monsieur mon ami serait tout à coup atteint d'une surdité absolue …
D'ailleurs, même si j'avais le mauvais goût de me plaindre, monsieur mon ami serait tout à coup atteint d'une surdité absolue …
Vous avez la bonté de me chuchoter des
nouvelles de notre incorrigible Sophie, et pour ce, je vous pardonne
vos récits d'oisive déambulation aux Cascines alors que votre amie
Adélaïde se contente de sa morne promenade dans les galeries du
Louvre.
Hélas, Louise, l'air de Paris
contient trop de miasmes, d'aigreur, et de méchanceté pour que je
me risque à sortir avec Charles...
Je sursaute au moindre bruit et ne me sustente qu'à grand peine, mon époux manœuvre avec une énergie admirable afin de nous faire partir tous les trois en Normandie où sa mère lui a laissé une maison décatie et quelques prairies.
Si ce projet portait ses fruits, jugez un peu de notre soulagement ! Charles reprendrait bonne mine et mon espoir de traverser la Manche irait bon train …quant à mon époux, il s'entête à refuser d'émigrer, la Normandie lui convient comme terre d'exil , or, qu'y fera-t-il ?
Je ne me le représente point en fermier trayant ses quelques vaches chaque matin !
Je sursaute au moindre bruit et ne me sustente qu'à grand peine, mon époux manœuvre avec une énergie admirable afin de nous faire partir tous les trois en Normandie où sa mère lui a laissé une maison décatie et quelques prairies.
Si ce projet portait ses fruits, jugez un peu de notre soulagement ! Charles reprendrait bonne mine et mon espoir de traverser la Manche irait bon train …quant à mon époux, il s'entête à refuser d'émigrer, la Normandie lui convient comme terre d'exil , or, qu'y fera-t-il ?
Je ne me le représente point en fermier trayant ses quelques vaches chaque matin !
Sa
goutte le rend inapte au moindre effort physique, il excelle dans
l'exercice de l'administration des jardons royaux, mais privé de
main d'oeuvre , même l'art de planter et récolter une salade ou un
choux lui échappera toujours!
Non ne posso piu, Louise !
Notre destin ici tourne court, je ne puis fixer mon attention sur rien, et me méfie de tout le monde …
Si ce n'est du fidèle Governor Morris, que s'obstine pourtant à redouter la duchesse de la Rochefoucauld. l'absence du sémillant Short l'incite à opposer une froideur injuste aux amabilités diplomatiques de Monsieur Morris, nouveau représentant de la jeune Amérique. Cela est bien mesquin, pour moi, je suis certaine que mon ami Américain ne me fera jamais défaut, en dépit de sa jalousie envers monsieur de Talleyrand et encore pis, celle qu'il éprouva à l'encontre de mon jeune ami Anglais .
Notre destin ici tourne court, je ne puis fixer mon attention sur rien, et me méfie de tout le monde …
Si ce n'est du fidèle Governor Morris, que s'obstine pourtant à redouter la duchesse de la Rochefoucauld. l'absence du sémillant Short l'incite à opposer une froideur injuste aux amabilités diplomatiques de Monsieur Morris, nouveau représentant de la jeune Amérique. Cela est bien mesquin, pour moi, je suis certaine que mon ami Américain ne me fera jamais défaut, en dépit de sa jalousie envers monsieur de Talleyrand et encore pis, celle qu'il éprouva à l'encontre de mon jeune ami Anglais .
De toute manière, monsieur Morris est
bel et bien pourvu d'une respectable épouse, il n'a point à
reprocher aux dames leur réserve envers sa personne !
Louise, vous m'assurez que Sophie file
le parfait amour sur les hauteurs du Mont Oliveto, dans une villa
rafraîchie de fontaines et embellie de statues ordonnées par un
Medicis ; vous me la décrivez folâtre et rieuse, musant et
baguenaudant avec sa tête brûlée de prince Napolitain, gentilhomme
de race antique, d'allure sublime, et que l'on murmure sous cape
déterminé à claquemurer dés l'automne, notre naïve amie
d'enfance dans sa forteresse en ruines de Capri !
Louise , croyez-vous à cette horrible rumeur ?
Louise , croyez-vous à cette horrible rumeur ?
Sans doute, est-elle née
de la perfidie d'une rivale italienne…
Quoi qu'il en soit, cette âme exaltée
de Sophie n'aurait-elle mieux fait de se rabibocher avec son époux
que la meilleure société de Londres honore de sa confiance ?
Quand aura-t-elle le bonheur d'embrasser ses enfants éparpillés
dans la campagne Anglaise ?
Si je réussis à gagner Londres,
sachez, Louise, que je m'empresserais d'aller voir mes neveux de
cœur, l'amour n'excuse point l'abandon de ses enfants !
La duchesse éplorée vient de me
mander dans un billet aimable et flatteur la suite du roman que je
m'efforce d'écrire.Or, je soupire et range le ducal billet loin de ma vue !
Hélas encore, mon inspiration est chose capricieuse, et en ce moment, franchement, elle se moque de moi ; les amours d'autrui me semblent insipides, mes inventions me déçoivent, mon héroïne m'agace par ses manies d'enfant gâtée, mon héros me lasse par son humeur à morigéner la terre entière, je n'ai plus le cœur de tremper ma plume dans mon attachement pour mon ami Charles-Maurice, je n'ai plus le cœur à rien, sauf à mon fils …
Hélas encore, mon inspiration est chose capricieuse, et en ce moment, franchement, elle se moque de moi ; les amours d'autrui me semblent insipides, mes inventions me déçoivent, mon héroïne m'agace par ses manies d'enfant gâtée, mon héros me lasse par son humeur à morigéner la terre entière, je n'ai plus le cœur de tremper ma plume dans mon attachement pour mon ami Charles-Maurice, je n'ai plus le cœur à rien, sauf à mon fils …
Et j'aurais toujours de la joie à vous
lire !
Louise, je vous embrasse,
Adélaïde
La suite, bientôt !
Nathalie-Alix de La Panouse
si vous avez envie de vous évader durant ce confinement, mon premier roman historique"Un balcon sur l'Arno vous attend, signé Natalie-Alix de La Panouse, sur Amazon, ebook kindle, merci de soutenir un écrivain inconnu ...
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