La maison ensorcelée
Roman à Capri
Chapitre XIII
Vers le Faro et la Migliera
La nuit dans un ravissant palais d'Anacapri aurait dû nous bercer de rêves exquis.
Hélas ! c'était sans compter avec l'enragé paon s'évertuant à appeler sa belle, l'odieux coq, fier d'annoncer l'aube aux doigts de rose en pleine obscurité, le bruissement du vent acharné à secouer les hautes fenêtres, le grondement lointain mais hystérique des Vespas vers les six heures, le concert passionné des mouettes heureuses de s'ébattre dans le jour naissant, et l'impitoyable lumière s'infiltrant sous les élégantes persiennes afin de nous ordonner d'ouvrir au plus tôt les yeux sur les tendres brumes irisées d'or glissant du Monte Solaro.
A part ces détails insignifiants, ma migraine à hurler de douleur, la cafetière minuscule,
« Ne soupirez pas, j'en trouverai une adaptée à des Français ce matin ! » promet l'Homme-Mari jamais découragé, et l'obligation d'assister à une partie endiablée de « Calcio » engagée par de très jeunes passionnés sur la terrasse voisine, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes!
Ne restions- nous encore à Capri malgré les injonctions du bon sens ?
Cela tenait de l'exploit miraculeux : Capri ne nous lâchait plus ! et cette fois nous étions en compagnie de Fils Aîné, doué d'un caractère nettement plus enclin à la diplomatie que l'aventureux Fils Dernier parti rejoindre toute une équipe de travailleurs endurcis dans le pays le moins touristique d'Afrique Australe.
Je tente de réunir mes idées malgré la douleur qui me fait croire que l'on me tape à coups de marteau sur le front ; j'ouvre des tiroirs aux contenus aussi hétéroclites qu'un bazar de la Belle Epoque, il n'y manque rien de ce qui semble extrêmement utile, à une famille désoeuvrée, depuis les aiguilles à tricoter jusqu'aux cartes de tarot, sauf de l'aspirine ! et, souligne sombrement l'Homme-Mari en inventoriant les tiroirs gorgés d'objets insolites, « comment subsister sans un grille- pain ? »... lequel n'aurait d'ailleurs aucune utilité immédiate, aucun de nous n'ayant songé à entrer dans une boulangerie ou une épicerie depuis notre installation de la veille.
Nous voilà ainsi mourants de faim devant le spectacle le plus ensorcelant qui soit ! à notre droite, voici la paisible promenade de la Migliera, évaporée comme une jolie femme sortant de ses voiles nuageux ; à l'entour, de somptueux vergers rafraîchis par l'ondée matinale, et plus loin les pergolas et toits en coupole de la vallée de Caprile éparpillés parmi d'immenses pins aux ramures dansantes.
Un lac de turquoise frissonne sous un ciel d'une pureté surnaturelle.
C'est la mer pétrifiée de sommeil après ses caprices nocturnes.
L'horizon me repose les yeux, mon esprit flotte sur sa route intangible où bougent quelques barques de pêche, tandis qu'au milieu du golfe un cargo fend les eaux à un train de sénateur.
Notre café à ranimer de façon cinglante n'importe quel humain, sauf un Italien de souche, tiédit dans nos tasses de poupée, l'enchantement nous enlève à nous-mêmes, et mon affreuse migraine vacille...
Ce sombre breuvage odieusement serré aurait-il la faculté de soigner les êtres fragiles ?
Fils Aîné emplit soudain l'espace de son énergie juvénile, penché à une fenêtre, le voilà confronté avec le Monte Solaro ; je me sens angoissée, fébrile, nos sentiments différent tant d'une génération à l'autre …
L'ennui, ce fléau éternel, guette-t-il déjà notre fils ? Un paysage, aussi extravagant de beauté soit-il, suffit- il à combler ceux qui attendent de grandes choses ?
A défaut de la colère du Vésuve ou du réveil improbable du volcan de l'île d'en face, la plantureuse Ischia, de surprenantes péripéties, d'incroyables rencontres avec des êtres hors de pair, ne sommes- nous au pays des Sirènes et des grottes merveilleuses ?
Fils Aîné me rassure d'un sourire ému :
« Capri lave le cerveau, c'est Henri qui m'avait prévenu, je ne le croyais pas, mais comme c'est vrai ! le reste de l'univers n'existe plus ; j'ai rarement éprouvé ce sentiment bizarre. Pas depuis que j'étais petit ; dans l'enfance, on s'invente des endroits parfaits où l'on se sent en sécurité, et j'ai ressenti la même impression ici en débarquant au port. »
Il me regarde avec gentillesse et approfondit de façon à me prouver qu'il a reçu une bonne éducation littéraire :
« En réalité, on perd la mesure du temps, on touche l'Antiquité, je l'ai fortement ressenti face au Sphinx, puis en marchant sur une espèce de voie romaine au-dessus de la première maison que vous avez louée ; et encore davantage à Anacapri.
Ainsi hier pendant l'heure de la sieste, quand tout dormait, l''atmosphère si paisible, flottant par dessus les venelles désertes, les petits jardins silencieux, les maisons retranchées derrière leurs pergolas, évoquait celle de l'île où Ulysse accosta au début de son Odyssée.
Celle des mangeurs de Loto, cette plante qui vous ôte tout souvenir, et toute envie... Sauf de rester sur ces falaises dressées contre le ciel pour l'éternité, et d'aller nager dans la crique du Faro ! je ne plaisante pas ! Giulia m'a conseillé de monter dans un bus les mains dans les poches, avec juste une serviette et mon maillot.
On arrive au phare, le second plus haut d'Italie, vous imaginez, et on descend sur un sentier de cailloux vers un énorme entassement de rochers. Là se balance une échelle en guise de plage ; ou à peine plus haut, si l'on se sent des goûts de luxe, un parasol, un drap de bain, un transat et le droit de nager dans une piscine, à condition d'accepter le tarif assez prodigieux des braves gens qui vous font payer l'entrée au paradis …
Moi, je me contenterai d'étaler ma serviette sur le roc ! Il paraît que l'endroit se métamorphose l'hiver en un chaudron de sorcières tant les vagues s'obstinent à démolir la muraille naturelle.
Mais des dauphins y danseraient encore au printemps, c'est une des légendes datant de l'époque de la Grande Grèce, au temps où les dauphins et les hommes se parlaient....
J'y vais en éclaireur et je vous appelle une fois installé !
Changez- vous donc les idées, faites les courses, essayez d'admettre que personne ne braque un pistolet sur vous en vous obligeant de tomber en extase devant chaque bicoque de l'île.
Je ne crois pas en la fatalité, c'est à nous de mener notre barque, pas à des forces surnaturelles de nous donner des ordres.
J'espère que vous n'êtes pas déjà amoureux d'une de ces ruines que chaque agent immobilier se doit de présenter comme les anciennes villégiatures d'Auguste ou de Tibère ?
Non ? Ah ! Je vois... la maison devant laquelle mon sosie barbu tente de se faire obéir de son chat ? Si ce tableau vous inspire d'étranges idées de malédiction familiale, ou vous incite à gaspiller vos économies, je vous propose de le mettre tout de suite au placard ! nous le ressortirons à notre départ.
Mais qu'est-ce que c'est que cette bestiole ?
Vous n'avez pas adopté un chat en trois jours à Capri ? »
Je me précipite en tendant les bras vers le chat de la « maison ensorcelée » qui réclame sa pitance sur le seuil de la maison où ses bienfaiteurs reprennent leurs esprits assez confus.
Comment ce brave félin a-t-il eu l'intuition de nous suivre?
En le félicitant de son intelligence, je cherche désespérément à guérir les souffrances de son estomac, malgré la torture qu'il inflige à mes nerfs par ses miaulements perçants.
Il y a décidément beaucoup d'animaux perdus sur cette île vouée aux heureux du monde !
Fils Aîné frais, reposé, charmé par la perspective d'une journée de liberté au pays des Sirènes, se comporte en homme d'action, enjoint au visiteur de se taire et débusque une bouteille de lait au fond du frigo ; seule nourriture terrestre proposée par ce palais habité de charmants fantômes et de rayons de doux soleil.
Le silence, malmené de toute part s'étend enfin sur la salle blanche et le soleil frappe la rotonde avec tant d'ardeur que nous décidons de fermer les persiennes; sans doute l'école dicte-t-elle sa loi, aux joueurs d'en face, à notre immense soulagement ...
La mer se couvre de reflets mauve et le Monte Solaro déploie ses paysages d'ombre et de lumière par delà ses pins aux parasols généreux et ses maisons solitaires accrochées aux rocs aigus.
Nous caressons le chat qui en profite pour quémander une seconde ration, prouvant par là l'esprit aiguisé de son espèce.
L'animal que j'ai cru envoyé par la destinée a décidé de jouer les félins domestiques et ce rôle de composition me ravit.
Bizarrement, est-ce un effet de la lumière îlienne, si pure et si puissante, les sortilèges de la maison abandonnée me lassent.
Je voudrais échapper à l'emprise d'un passé insondable, ne plus éveiller mon rêve d'enfant, ne plus croiser d'inconnus bienveillants , ni me sentir bouleversée par ces hallucinations certainement suscitées par l'étrange magie d'une île encombrée, depuis ses grottes marines jusqu'à ses chemins de cailloux sur les falaises, d'une foule de Sirènes acariâtres, Cyclopes taciturnes, Anges vagabonds, Patriciens grecs et romains, voyageurs du Grand Tour en chemise à volants et fantômes d'écrivains et peintres aux barbes bien taillées !
Loin de ces charmantes hallucinations, je désire de toute mon âme me contenter de la douceur de ce matin où un torrent de pourpre et d'or tombe des roches arrogantes, des cimes austères où croissent à pic de vigoureux champs de tendres fleurs blanches.
Une tour meurtrie surplombe notre vallée ; son noble dénuement, son hautaine désolation s'imposent avec force par contraste avec le spectacle gracieux des vignes envahies d'hortensias roses.
Pourvu que l'Homme-Mari ne la remarque pas ! trop tard, je le vois lever des yeux énamourés vers la bâtisse à demi- écroulée, puis, écartant le chat penché sur sa tasse, prendre racine au beau milieu de notre jardin encore humide, après une de ces fugaces ondées ordonnées par les divinités afin de reverdir un rocher dépourvu de sources.
« Si l'autre maison, celle du barbu qui aurait pu être Théodore voilà un ou deux siècles, n'est pas à vendre, ou inaccessible, pourquoi pas cette ruine- là ? En tout cas, elle nous nargue du haut de son promontoire, et toi qui n'aimes rien tant que grimper sur les sentiers escarpés, n'aurais- tu envie de m'y accompagner ?
Nous y serions en dix minutes. Ah, oui, il faut tout de même faire les courses, et, j'y pense, n'avions- nous un rendez-vous avec un inconnu à l'accent Napolitain et un ultimatum de l'homme au Panama, celui qui distribue de bonnes paroles avant de s'évanouir dans l'air de Capri? «
Fort heureusement, Fils Aîné portable en main et serviette sur l'épaule n'a rien entendu, qu'aurait-il pensé de ses parents fréquentant un être immatériel ?
« Bon, vous m'avez raconté avoir rencontré un écrivain -opticien -musicien, un brave type si j'ai bien compris, il faut que j'achète tout de suite des lunettes de soleil, cette lumière vous aveugle à chaque pas. Juste à deux minutes en marchant sur la via piétonne, une minuscule boutique dans un renfoncement ? Oui, je trouverai, de toute façon, il doit être connu votre original ! Entendu, vos souvenirs et plein de choses, j'y penserai , ne vous inquiétez- pas. Tâchez de vous détendre, pour une fois que vous prenez des vacances, à tout à l'heure, et méfiez- vous de cet animal qui se croit chez lui! »
La porte se referme sur ces excellents conseils.
Ravi de nous avoir à son entière disposition, le chat saute d'un bond élégant sur le sofa et s'allonge sur les genoux de l'Homme- Mari en ronronnant de gratitude. Un vague soupçon m'effleure: tous les chats de Capri, gros et gras, agiles et affectueux envers les humains dociles, semblent frères, serait-ce vraiment l'habitant du jardin sauvage ?
On frappe et nous sursautons au contraire du félin qui en a vu d'autres.
C'est un homme aux cheveux blancs en crinière qui nous se présente comme le jardinier.
Car nous avons le privilège de recevoir les services d'un maître en l'art des jardins ! le voici s'excusant de troubler la quiétude du lieu, le beau Castagno a besoin d'un élagage, et les buissons de chèvrefeuille et de jasmin aussi, un bruit considérable va gâcher nos vacances.
« Je suis si désolé, dit le jardinier en arborant un sourire magnifique et l'air le plus radieux, c'est une nécessité qui attend depuis trois semaines, donc une urgence ! vous me comprenez n'est-ce pas ?
Mais, est-ce possible, Signora, vous parlez l'Italien ! non, vous ne faites pas de fautes, ou si peu, l'essentiel est de se comprendre, et vous aimez les jardins, oui, le Castagno est magnifique ; tout pousse à Capri même sans eau, une source dans les grottes .
Oui, on le raconte, à peine plus haut, l'eau suinte dans la montagne, et devant la statue de la Madone de la Migliera, c'est un endroit béni, vous devez y aller ! quel plaisir de bavarder en compagnie de gens qui désirent connaître Capri,
Et qui acceptent d'écouter un Capriote ! nous sommes envahis par tous les peuples de la terre, mais qui se soucie de nous ?
Nous autres, habitants de l'île, on croit que nous servons de décor ! ce chat ?
Oh, il y a tant de chats sur l'île ! Les plus malins sont ceux qui se font nourrir par les pêcheurs au-dessus de la Grotta d'Azura, ils se battent contre les mouettes et gonflent comme des ballons, celui-là, je serais d'avis qu'il s'agit d'un solitaire…vous restez longtemps ?
Ah, dommage, mais vous reviendrez, on revient toujours à Capri, sauf si on n'a pas de cœur, si on est incapable d'amour.
La Migliera ? Oui, en sortant, sur le trottoir à gauche, vous passerez devant l'ancienne façade de la maison, ensuite une petite montée, un escalier, et ensuite vous n'avez plus qu'à marcher tranquillement, cela vaut la peine, une heure pas davantage, si vous flânez, et il faut flâner, ne vous arrêtez pas au premier belvédère, prenez le sentier, priez la Madone dans le bosquet, et ensuite sortez des taillis, cela sera comme si vous rendiez visite à Dieu, une pareille beauté, une vue à tomber évanoui de bonheur ...
A bientôt !à demain peut-être. »
Nous voilà seuls sur l'île des Lotophages ...
Allons- nous résister à la tentation de perdre définitivement le sens de la réalité ?
Je secoue la tête et entraîne l'Homme-Mari qui s' apprêtait à tenir compagnie au chat sur son sofa.
-Sortons vite, la chaleur monte et si nous tardons, nous rebrousserons chemin avant de tomber évanouis devant cette fameuse Milgiera dont on ne cesse de nous vanter les prodiges !
L'Homme-Mari me demande étonné :
- Pas de maison hantée aujourd'hui ?
-Non, dis-je, j'ai envie d'une pause ,et une promenade à l'ombre du Monte Solaro ne se refuse pas : La Migliera, n'es- tu sensible à la musique de ce nom ? D'ailleurs, avons-nous le choix ? Tout le monde nous en parle ! Mais, elles t'adorent ces belles Carabinières, regarde, elles te font signe, oseraient- elles te donner un rendez-vous galant sous mon nez ?
L'Homme-Mari tortille entre ses doigts un billet couvert d'une écriture tarabiscotée que nous nous évertuons à déchiffrer sans succès, force est de supplier une des beautés en uniforme d'élucider ce qui s'apparente à un rébus.
Hélas ! Les deux haussent leurs bras musclés vers un ciel tendrement bleu et nous indiquent par des gestes véhéments l'étendue de leur tristesse : elles n'y comprennent rien ! sans doute une plaisanterie à l'égard des gentili Francesi …
Je décide l'incident clos, tout en éprouvant une vague frayeur, et si ce billet émanait d'un des curieux personnages que le hasard envoie nous poursuivre sur les traverses et voies romaines ? Eh bien, à une autre fois ! je choisis la liberté sans état d'âme, et nous voilà cheminant sous un flot de lumière limpide, échangeant sourires et salutations avec de frêles jeunes filles au nez éminemment grec bavardant à une allure impossible à suivre, et des galopins malicieux ourdissant visiblement une gentille piraterie.
«Bello vestito ! » crie une petite effrontée assise sur un banc de pierre entre trois gamines rieuses.
Ce compliment s'adresse à ma robe rouge flamboyant ! Comme c'est gentil et je salue les descendantes des Sirènes ou des bergères de l'île...
Je suis chez moi sous l'austère bouclier du Monte Solaro, sur une terre proche de l'antiquité où la beauté parfaite se cueille à l'ombre des citronniers.
Entre les colonnes robustes, les citernes grises, les remparts percés d'arches de pierres grises aux éclats blancs, de discrets sanctuaires émeuvent et rassurent ; l'harmonie pure, puissante et sublime résonne à l'instar d'une musique divine. Une plénitude infinie berce mon cœur ; et les parfums, soulevés par la brise subtile titillant buissons, vergers et bosquets, en mêlant herbes âcres, fleurs poivrées et menthe délicate, m'exaltent comme une promesse de bonheur.
Mais l'Homme-Mari déchante en se hissant d'escaliers raides en pentes lisses, il peste, menace de me planter là, exige que se matérialise une boisson fraîche !
Enfin, il exhale un soupir d'extrême soulagement en parvenant sur une voie étroite ondoyant entre des murs romains creusés d'arcades en majesté, de secrets escaliers, de sentiers pareils à des échelles, de jardins raffinés
et de nobles vergers témoignant du soin le plus attentif.
Brouettes, arrosoirs, pelles et râteaux gisent entre les plants de tomate, les laitues en ligne de bataille, les citrons lustrés de rosée, et les roses exhalant d'amoureuses effluves sur de vénérables rosiers. Où se sont envolés les jardiniers de ces potagers quasi célestes ?
Les campaniles d'Anacapri envoient soudain leur refrain de cristal qui s'en va épouser l'air limpide.
La lumière vive s'apprivoise et s'adoucit, tamisée par les ramures épaisses des bois montagnards, la promenade se ralentit, nous évoluons au sein d'une féerie, d'un poème antique et d'un songe enfantin, le destin s'accomplit dans une simplicité radieuse : nous sommes les compagnons d'Ulysse, roi d'Ithaque en exil, et presque à la proue de ce bateau ancré sur l'éternité, nous jouons les funambules sur une corde menaçant de rompre au-dessus du gouffre des Sirènes.
Une corde incertaine, tendue entre passé et avenir…
Le maudit portable efface en un battement de cil ce nuage enchanté ; exaspérée, j'accepte ce retour à la réalité.
-Allo ? Mi dispiace, pronto ? Arturo ! come sta ? Oui, notre fils, oui, il est charmant, oh ! ce soir ? Au Faro pour un apéritif au bar avec notre fils, votre femme, votre fille ? Si, mille grazie ! A presto !
-Une invitation ce soir, dit l'Homme-Mari, tu oublies celle que nous avions convenue avec la belle épouse du monsieur si aimable dont le nom m'échappe, en face de la Villa San Michele ....
-Ciel ! Quelle idiote ! mais qui est-ce encore ?Ah ! Bien sûr que je n'ai pas oublié votre invitation ! Par contre, oui, un peu plus tard, nous sommes ravis, c'est parfait, nous préférons sortir tard, oui, les Français ont cette habitude ! merci, grazie mille, grazie di tutto cuore, a presto !
sauvés ! ils seront en retard. Les gens de l'île sont extraordinaires, traiter si généreusement les inconnus que nous sommes ! ce portable ne se taira- t- il jamais ? Théodore, oui, je viens de les entendre, nous y serons, as-tu des nouvelles de ton frère à propos ? Il est vivant, bien, pour l'instant cela suffira.
Quoi ? Quelle histoire, c'est insensé, non c'est Capri, sois prudent tout de même, si ton sosie te surprenait …
-De quel sosie parles- tu ?
- Je crains que Théodore ne soit pris pour quelqu'un de très apprécié sur l'île. Après avoir discuté musique avec Amedeo, ce qui a suscité ce rendez-vous au bar, il est descendu au Faro, et comme il hésitait devant les tarifs vertigineux des bains privés, la patronne lui a octroyé une réduction conséquente en raison de sa bonne mine dont elle se souvenait ..
-.Encore une ruse des Sirènes pour nous circonvenir ! allons, ne t'angoisse pas pour une broutille, la patronne a été sensible à l'allure distinguée de notre fils, voilà tout. Souhaitons maintenant que l'homme au Panama ne nous ordonne pas de le rejoindre pour un bain de minuit ! pourquoi cette dame nous fait- elle de grands gestes ?
L'Homme-Mari ne se trompe pas.
Se levant d'un parapet couvert de jasmin, une créature au visage fier et ciselé, les yeux d'un vert de mer transparent, drapée dans une tunique blanche, sa chevelure à la chaude blondeur irisée de soleil, se dirige droit vers nous les bras largement tendus, comme pour nous étreindre à nos risques et périls !
"Mon Dieu, dis-je affolée, une Sirène !"
A bientôt, pour la suite de ce roman à Capri,
Nathalie-Alix de La Panouse ou lady Alix
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Le Faro de Capri à Punta Carena (crédit photo Vincent de La Panouse) |
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