vendredi 28 avril 2023

Rendez-vous à Naples: "La Maison ensorcelée" Chapitre XXVII: Roman à Capri



 Rendez-vous à Naples

Chapitre XXVII c « La maison ensorcelée »

Roman à Capri

Secoués dans un vaste taxi organisé pour une cargaison de touristes américains ou japonais, nous étions silencieux et presque mornes en descendant vers le port resplendissant de frais soleil printanier.

Nous ? C'est à dire l'Homme-Mari, moi-même son épouse bien-aimée, (du moins l'espérais- je !) et notre mentor infatigable à Capri, Salvo, au prénom prédestiné, notre Cavaliere doué d'un bon sens d'une robustesse admirable et d'une bonté d'âme insondable, les deux cachés parfois sous son franc-parler ravageur.

Salvo désapprouvait encore une fois les idées farfelues de ses amis français amoureux fous d'une maison en ruines que dissimulait le sentier le plus empierré et le moins esthétique de sa vallée de Caprile, à l'autre bout de son île romantique de Capri.

L'opinion de notre ami Salvo conptait énormément pour nous, et sa mine dubitative nous peinait malgré l'éclatante beauté du paysage vertigineux.

« Vous ne payerez pas la course, finit- il par marmonner, le chauffeur est un cousin, et il serait ridicule qu'il me demande un sou pour me conduire sur les routes de mon pays. J'aurais voulu vous conduire moi-même mais ma femme et ma fille ont décidé de prendre nos deux Fiat ce matin, Flavia est partie du côté de la Grotta d'Azzura, et Giulia roule vers le Faro où son fiancé l'attend alors que la baignade sera interdite ! ces jeunes, ils sont si impatients, enfin, ma fille a besoin de se détendre ; elle travaille tant avec moi ! 

Elle est si courageuse ! Nous allons vous laisser devant les guichets, ne vous trompez pas de bateau ! À cette heure, vous avez le choix entre le ferry de Sorrente, celui d'Ischia et le vôtre.  Et surtout, quand vous donnerez l'adresse du notaire au chauffeur de taxi qui vous prendra à Porta di Massa, méfiez- vous !

La dernière fois que j'ai eu le malheur de faire confiance à un chauffeur Napolitain, celui-ci s'est amusé à allonger l'itinéraire pour augmenter le prix. Donc,  ouvrez les yeux, ne rêvez pas, et menacez- le des Carabiniers si cela devenait trop bizarre. Vous me promettez d'être sur vos gardes ?

 Naples n'est pas comme Anacapri, nous sommes des gens polis, honnêtes, civilisés, mais sur le continent, ils se permettent tout ! »

Le cousin nous sourit en ajoutant un aimable compliment sur son île adorée :

«Signora cara, vous savez, Capri, c'est comme une belle femme ; elle et douce, et belle de partout, Naples, c'est un monstre  qui vous avale sans que vous vous en rendiez compte!

 Presto ritorno ! revenez-vite ! »

Sur ces paroles destinées à terrifier les imprudents amis, ces Français qui trahissent Capri le temps d'une rapide journée, au profit de mystérieuses affaires napolitaines, on nous dépose entre la bouche du funiculaire et la caverne des guichets. Le port déborde de voyageurs apeurés, serrant convulsivement leurs sacs contre leur poitrine, et roulant des yeux ahuris à la recherche d'un guide providentiel.

Leur aurait- on raconté que Capri était encore un nid de corsaires ?

Ou l'art du voyage se perdrait- il dans l'angoisse de l'inattendu et la terreur de l'improvisation ?

« Dai ! Bonne chance et ne discutez pas trop avec le notaire ! Si seulement c'était mon cousin ...»

Je cherche le quai du Ferry Caremar qui traversera bientôt le golfe vers Naples où, après notre entretien avec un notaire siégeant sur la Piazza del Gesu Nuovo, sans doute au fond d'une cour glauque, nous respirerons dans un palais transformé en hôtel avant de rejoindre notre ange gardien à la blondeur italienne, la belle Simonetta, joaillière au cœur de l'illustre et bourdonnante via Chiaia. Cette amie, fière de sa ville haletante et palpitante, s'évertue, à chacune de nos fugaces apparitions, à nous en révéler un aspect encore plus insolite et attachant.

Mais, Capri est trop enracinée dans ma tête, trop profondément ancrée  dans celle de l'Homme-Mari. Rien ne nous fera abandonner le sentiment insensé qui nous lie à ses rocs fauves, ses colonnes robustes et ses jardins extravagants.

Les efforts de Simonetta renforcent toutefois une amitié forgée avant nous par les Français du grand Tour, fascinés par les vestiges et prestiges de l'Antiquité et la douceur des hivers au parfum d'oranger. Puis, las des drames de la République vaincue et de l'horreur de la vengeance royale, les Napolitains acceptèrent le règne flamboyant de Joachin Murat, et l'audace de la reine Caroline qui déploya ses grâces afin d'élever Naples en cité idéale, terre d'élection des Arts, des Lettres et du bonheur terrestre. Reine de Naples ! ce titre couronna-t-il jamais princesse aussi évaporée que profonde, douée de la séduction légère et de l'étourdissante poésie de sa ville  ?

Or, cette époque semblait bien enfoncée au creux des vagues, qu'allions- nous trouver chez ce notaire recherchant un descendant d'une famille de hobereaux du Béarn dont mon père s'enorgueillissait d'être l'ultime rejeton ? Mon nom de jeune fille ne se pouvait transmettre, ou dans des conditions difficiles à établir, mes fils auraient à le rajouter à celui de leur père, ce qui supposait un tracas ennuyeux. Le notaire l'exigerait- il ?

Cela affermirait - il un droit extrêmement faible à la propriété d'une maison qui officiellement appartenait à un homme aux portes de la  faillite ?A moins que cette histoire ne soit encore une invention Napolitaine.

A dire vrai, je ne comprenais absolument rien à la situation.

Si j 'avais supplié un notaire napolitain lecteur du Figaro de me recevoir afin de lui annoncer que j'étais la descendante d'un Français inconnu, jadis heureux propriétaire d'une masure capriote, c'était pour obéir à mon fils- aîné, à mon époux, et surtout pour cultiver un goût romanesque qui me perdrait certainement.

D'un autre côté, la Piazza del Gesu Nuovo m'attire terriblement, son palais Florentin, métamorphosé en église baroque, étonne par sa façade armée jusqu'aux dents qui dérobe une splendide caverne où l'on prie à genoux, parmi les marbres chatoyants, les statues en ordre de bataille, les fresques tourmentées, l'or et l'argent, et les reliques prodigieuses.

En face, monte une colonne pompeuse qui sert de façon très utile de boussole quand on arpente la rue grouillante longeant le couvent de Santa Chiara.

A l'ombre des porches au fronton ornés de blasons colossaux, ce n' est que spectacle de rues, appels frénétiques, cafés débordants de jeunesse bavarde et passionnée, toute la folle allégresse de Naples en une promenade bousculée !

Nichée dans une cave à l'escalier encombré de débris de tableaux et de bouts de tapis moisis, presque invisible au bord d'un humble vicolo qui laisse les touristes indifférents, existe- elle encore cette brocante incertaine qui me plonge dans un ravissement puéril ?

Non pas une boutique, mais le plus délirant réservoir de papiers déchirés, de meubles cassés, de toiles sans cadres et de cadres sans tableaux.

Si j'ai tout à l'heure la hardiesse d'affronter son vénérable Cerbère dont la face disparaît sous un déluge de rides peut-être lui arracherais- je à force de gestes éloquents suppléant à ma méconnaissance du dialecte séculaire, une esquisse sublime de la main de la vigoureuse Artemisia Gentileschi  ou du tourmenté Salvatore Rosa ?

Voilà qui avancerait nos affaires bien davantage que l'étalage oiseux de ma généalogie !

Le soleil m'aveugle pour le moment et mon sac m'encombre, l'Homme- Mari avise un chariot, discute une seconde et revient très content de lui : nos bagages nous seront rendus juste avant de monter sur le bateau de Naples contre quelques euros. 

« Ce sera sur ce quai, presque en face du restaurant en terrasse, prenons vite notre déjeuner et filons ! »

Je suis docilement l'Homme- Mari inquiet de l'état de son précieux estomac jusqu'à une petite table devant laquelle s'empresse aussitôt de charmants jeunes Capriotes aux yeux compatissants.

Soudain le sens de la réalité me revient et me coupe toute envie d'insalata ou plat de poisson : où sont nos billets ? Le départ approche ! je remarque avec angoisse toute une file de voyageurs se formant sur le quai tandis que l'imposant navire commence à engloutir voracement un long cortège de camions....

L'Homme- Mari a pitié de son épouse érigée en gardienne de nos passeports et cartes bancaire, à l'instar d'une vestale jurant de défendre le feu divin au prix de son humble existence.

Le voici en train de fendre la foule vers les guichets harcelés de touristes au bord de la crise de nerfs, puis, englouti corps et biens dans cette masse mouvante, il s'efface et disparaît...

Un aimable serveur m'entoure de compliments excessifs et de plats inutiles, mon angoisse redouble, je suis l'image-  même de la terreur sur ma chaise en rotin entre deux pots de citronniers.

Si l'Homme-Mari ne se hâte pas, nous manquerons le bateau, donc le notaire sans doute irascible et méticuleux, les amis dépités ma brocante minable aux chefs- d'oeuvre en péril, la confiance d'une pyramide de gens, hôteliers compris, et mon héritage présumé !

Je ne peux détacher mon regard du gros bateau qui continue à avaler ses proies, il ne reste qu'une poignée de voyageurs frétillant devant sa passerelle, je pousse un lugubre gémissement, et l'Homme- Mari se matérialise, en agitant les billets.

« Vite ! le bateau est à quai, vois, c'est lui, ce gros Ferry de Caremar, tu as une minute, ensuite, vite, imagine, nous allons perdre nos sacs, nos réservations et dresser le notaire contre nous ! Pour une fois que nous avons l'énergie de passer une nuit à Naples au lieu de rester ensorcelés à Anacapri …« 

L'Homme- Mari engouffre son poisson sous l'oeil ravi des jeunes serveurs saisissant qu'un drame se joue dans leur charmant restaurant ; ces Français règlent - ils une histoire de trahison conjugale ? Madame se lève, se prépare-t-elle à assassiner son époux à coups de sac à main ?

L'assistance autour de nous s'amuse et prévoit le pire, je bafouille que notre bateau est là, juste là sur la quai, et tout le monde de s'esclaffer ! ah ! Ces Français ! mais non, Cara Signora, vous avez le temps, c'est le bateau de Sorrente ; l'autre, celui de Naples, vous allez le voir entrer au port dès que le Dottore (l'Homme- Mari est toujours infiniment sensible à ce titre prodigué par les Italiens courtois) aura commandé son dessert, la pauvre, il a failli s'étouffer en avalant les arrêtes du poisson ! »

Nous respirons et je reprends goût à la vie en commandant un café ristretto et surtout pas americano, ce qui suscite l'approbation émue de notre sauveur(cachant mal son envie de rire devant l'étourderie de la Cara Signora).Sur le quai tant redouté, tout va bien, on nous tend nos sacs avec un grand sourire et l'Homme- Mari sort triomphalement les billets qu'il avait craint d'avoir égaré en route. Un Ange veillerait- il sur nous ? Ou une Sirène ? Ou mon cher ancêtre ?

« Essayons de garder notre calme maintenant, dis-je avec ferveur en m'installant en plein soleil sur un banc du pont- arrière, quelle croisière fabuleuse ! la traversée du Golfe de Naples sur le bateau le plus lent de toutes les compagnies : nous prouvons notre souci de perfection, le voyage doit durer le plus longtemps possible, qui se soucie de l'arrivée ? »

« Je croyais que tu avais peur de manquer tes rendez-vous ? Pourquoi pleures - tu ? Nous revenons demain ! « 

« Je ne supporte pas de quitter l'île, j'ai peur de ne jamais y revenir... »

L'Homme- Mari a bien envie de se moquer de moi, qu'ai-je à faire l'enfant par si beau temps ?

Une bribe de galanterie l'en empêche et nous prenons chacun notre croisière en patience, lui en arpentant le pont ou en réclamant force boissons fraîches, moi en ne bougeant pas plus qu'un chat, perdue dans la contemplation de l'île qui pâlit et s'évanouit, vision diaphane drapée de voiles bleus.

Nous longeons sans y penser les îles en cortège, Ischia, Vivara, Procida, et, très loin, posé au bout de l'horizon, l'âpre citadelle flottante de Ventotène, caillou de lave et de fleurs fermant le golfe de son éclat de fer.

 Puis, les hommes d'équipage envoient des ordres brefs, le bateau secoue son train majestueux et s'élance avec fougue vers une barrière immense, éblouissante, couronnée d'un château, voici Naples, Pouzzoles, le Pausilippe « de mille feux brillant », le Vésuve hautain, ce dévoreur de vie que personne n'affecte de craindre nous fait une haie d'honneur.

Voici le port où sont ancrés d'imposants « travailleurs de la mer », et le quai où remuent les mortels qui vont prendre la mer vers Capri. Pour un peu je resterais sur ma banquette !

L'Homme- Mari attrape nos minces sacs et me lance un regard étonné, enfin, la fortune ne nous guette-elle ? Et au pire, une bonne table et une soirée à la Napolitaine, empreinte de cette élégante désinvolture, de cet art de prendre la vie comme elle va, le passé, on ne s'en préoccupe plus, l'avenir, qu'il attende ! le présent ? Il faut le vivre !

Un cri retentit et je sursaute, mais c'est moi qu'une voix réclame !

J'aperçois de dos une silhouette élancée, une chevelure blonde, un blouson de cuir, tout cela se retourne, c'est Veronica, l'exquise épouse d'Antonio notre courtois propriétaire qui nous embrasse comme du bon pain !

« Quand j'ai lu votre message sur mon portable m'expliquant que vous laissiez les clefs aux Carabiniers par prudence avant de vous embarquer pour Naples, j'ai décidé de venir vous prendre, la voiture est garée sur le trottoir, c'est interdit mais cela n'a pas d'importance, quelle bonne idée d'aller visiter le quartier de Santa Chiara !

 C'est si vivant ! tenez, ce sont les gâteaux que l'on offre à Naples pendant la Semaine Sainte, vous allez les adorer, ils sont très riches en sucre et vous n'aurez plus faim de la journée... Votre hôtel est bien choisi, je suis sûr que c'est le plus calme de Naples, au cœur du quartier le plus agité, des amis m'ont confié qu'ils avaient l'impression d'être dans une tombe, heureusement, le café du petit-déjeuner est bien de chez nous, il réveillerait un mort. »

«  Cela me semble idéal pour fêter Pâques ...» ne peut s'empêcher de commenter l'Homme- Mari » auquel je lance un coup d'oeil réprobateur.

Notre blondissime Napolitaine scrute de son regard bleu clair la rue fourmillante et hurlante, tourne, retourne, se faufile en sens interdit dans une ruelle où l'on a dû commettre une atrocité pour susciter un si colossal encombrement hystérique, manque d'écraser quelques passants ou du moins leurs pieds, frôle un mur, râpe sa portière droite, et freine avec enthousiasme devant une placette aux façades chargées d'échafaudages.

«L'hôtel est dans la montée, juste à droite, ah, vous êtes des habitués ? J'aime tant les personnes qui aiment leurs habitudes, surtout restez chez nous, à Anacapri, revenez en été, à l'automne, en hiver, nous sommes si contents que notre maison vous plaise au point de la considérer comme votre port, on dit cela en français ? Non, ne me remerciez pas, j'adore conduire, et j'adore vous voir, vous êtes de si gentilles personnes, et merci à vous pour le pot à thé et la gravure de la Grotte d'Azur sur le mur vide, la voisine- carabinière qui veille sur la maison a remarqué tous ces cadeaux, vous méritiez vraiment que je vous évite l'ennui d'un taxi ! bon retour à Capri demain, la maison sera ouverte, les Carabiniers mettront les clefs sur la table de la salle à manger, ils sont si obligeants !

Pourquoi ces échafaudages ? Vous allez en voir beaucoup d'autres, Le sindaco aide les propriétaires du cœur historique et on nous rajeunissons de jour en jour ! adieu à la Naples sale, sombre, triste, Naples boit à la source de jouvence, c'est tellement beau que vous oublierez un peu Capri ! Ciao! »

Nous levons la main et clamons sur le même ton allègre des adieux fervents, puis, affrontons, visages rougis et bras chargés de papiers suintant le sucre, les employés suprêmement élégants du comptoir suprêmement raffiné de notre hôtel.

Notre chambre donne sur une cour voilée de plantes grimpantes et assez sombre pour évoquer la paix éternelle... Mais les beaux meubles luisants de cire et les tentures bleu paon s'allient afin d'atténuer l'oppressante mélancolie que distille l'atmosphère résolument sépulcrale de cet antique Palazzo.

Par contre, l'heure du fatal rendez-vous se précise avec acuité, et c'est la tête haute et l'allure autoritaire que nous nous jetons au sein du torrent humain charriant ses flots vers la Piazza du Gesu Nuovo. Le porche titanesque abritant l'étude notariale se détache en face d'une pizzeria, l'Homme-Mari s'engouffre dans une cour peuplée de statues et je le suis en mourant d'envie de m'enfuir.

J'avais imaginé un antre obscur et un notaire bougon, on nous introduit dans une espèce de salle de bal dont le plafond retrace les innombrables amours d'un Zeus particulièrement sémillant.

Le notaire se fait désirer …

Une ravissante brunette aux formes arrondies, sans doute abuse-t-elle des fameux gâteaux de la Semaine Sainte et de bien d'autres, nous sert un café buvable uniquement si l'on est né à Naples au sein d'une famille remontant aux Grecs anciens.

Une heure passe, l'Homme-Mari est au comble de l'exaspération, notre portable vibre, c'est notre amie Simometta qui s'affole : serions- nous perdus ? «  Ne buvez pas de café Napolitain, vous vous sentiriez mal ! »

L'avertissement vient un peu tard...

« Contessa, Dottore, je suis si désolé,. »

Un éphèbe aux cheveux en arrière, chemise entre- ouverte, lunettes noires et mocassins lustrés, se précipite sur ces Français boudeurs qui se préparent à filer à l'anglaise.

«  Pardon pour le retard, vous avez eu de la patience heureusement. Quel honneur ! la descendante d'un héros de Murat  ! et le Dottore, un descendant de beaucoup de héros ! Une famille illustre comme Naples en a tant ! Et vous voulez donc la maison d'un héros maintenant ? Sans payer ? Comme c'est français ! mais, il va y avoir des ajustements, puis-je m'exprimer en italien ? »

Pour des ajustements, c'étaient des ajustements, la société était en liquidation, la maison en ruines menacée d'une vente aux enchères, et ma parenté avec un de ses anciens propriétaires, pour amusante et romantique qu'elle paraisse, ne signifiait finalement pas grand chose.

 "Mais, quelle est la vraie raison de votre annonce ? Je ne comprends plus rien, dis-je d'une voix misérable."

 Le notaire a un léger sourire, puis il nous pétrifie par une réponse pour le moins saugrenue:

 " A la vérité, on m'a prié de vous rechercher, je pense que c'était un moyen pour vérifier le degré de votre obsession envers cette masure qui vous plaît tant ..."

Considérant nos mines atterrées, le notaire prit conscience de l'immensité de notre déception et s'ingénia à nous lancer une perche au sein de ce naufrage :

« La maison n'appartient à personne, alors pourquoi pas à vous ?  »

L'espoir me frappa comme la foudre !

« Oui, dis-je, pourquoi pas ? Je vous en prie, aidez- nous ! »

Le beau notaire a un sourire d'où émane la sprezzatura des gentilhommes italiens, puis sa réponse fuse en nous pétrifiant de stupeur:

" Vous aider ? Tout dépend de Naples ! Moi, je ne suis rien dans cette affaire..."

 L'Homme-Mari commence à perdre sa très maigre réserve de patience,  pour une fois, au comble de l'agacement,  je laisse la diplomatie aux orties et attaque :

" Mais enfin, pourquoi avoir passé une annonce coûteuse dans le quotidien le plus conservateur de France ? Qui se cache derrière vous ? nous devons le savoir ! "

 Le notaire soupire et tente de me calmer en me servant un café .

"A la vérité, j'ai obéi aux instructions d'une lettre sérieuse  et, je le déplore, anonyme, dans laquelle on avait glissé une somme fort utile pour régler le Figaro et mes humbles efforts. Je pense que c'était- là un stratagème pour vérifier le degré de votre obsession envers ce jardin en broussailles et cette ruine des plus charmantes. vous n'avez pas de bijoux de prix à céder ? Non ? vous savez, une belle restauration rendrait cet endroit superbe, mais voilà, il faut de l'argent pour acheter, de l'argent pour relever la ruine et rendre sa grâce au jardin ! toujours cette fâcheuse question d'argent, alors, demandez de l'aide à Naples et aux Sirènes de Capri, il y a tant de choses inexplicables chez nous ! On vous entendra, qui sait ? 

 Allez retrouver vos amis, oui, je les connais, notre quartier est un village, buvez du bon vin et , vous verrez ! je suis au regret de devoir vous quitter, mais nous sommes mêles à la même affaire, et je suis certain de vous revoir .a bientôt !"

 Et le beau notaire disparaît derrière une tenture de brocart rouge brodé d'or ..


Nathalie-Alix de La Panouse

 ou Lady Alix qui invente ce Roman à Capri




Port de Naples
Crédit photo Vincent de La Panouse 2023



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