jeudi 16 novembre 2023

Douceur antique à Capri: "La maison ensorcelée" chapitre 39 Roman à Capri


Odeur du temps sur une voie Romaine

"La maison ensorcelée" chapitre 39 

Roman à Capri

Je tentai de me relever avec grâce sur la rugueuse jetée bloquant le fond de la Grotte Bleue. En face de moi, les parois de cette monstrueuse caverne miroitaient comme du velours bleu  royal sous un faisceau  de lumière bleu céleste jaillissant  à la fois des eaux  de cristal turquoise marbré d'argent incandescent. un bel homme que j'aurai souhaité ne plus jamais revoir trébuchait à ma rencontre, un autre souriait dans le vague, concentré sur son chevalet de fortune en équilibre précaire. 

Mon hardi batelier se divertissait en créant des nuages laiteux sous ses coups de rame; aucune Sirène ne daignait applaudir à ses exploits, et bientôt le peintre marmonna entre ses dents quelque sombre avertissement ...

Indifférent à ce manège de circonstance, le  beau voyageur ne cessait de se répandre en paroles encourageantes afin de m'inciter à venir contempler un corridor creusé bien évidemment par Tibère en personne. afin de grimper à quatre pattes sur l'abrupt  balcon d'une Villa bâtie par  son grand-père Auguste, qui y conviait à la sieste sa cour de patriciens paresseux.

 Je suis en train de d'errer au sein d'un songe fabuleux, je marche au milieu d'un des tableaux suggérant aux mortels les prodiges insensés dont Capri détient les stupéfiants secrets. Le peintre a lancé un ordre et obéissant à cette soudaine injonction, voici le batelier sautant de son bateau, de créature terrestre, le voilà triton scintillant d'écailles argentées, puis phoque grotesque et touchant, enfin, homme aux cheveux bleus clair se hissant sur son esquif capricieux.

La honte m'empêche de parler, j'ai douté à l'instant des fééries de ce palais palpitant de toutes les nuances de bleu que contient le ciel,   voilà que flotte vers nous un voile de saphir violet, c'est ce nuage  que tissent les fées et dont se parent les filles du Dieu de la mer !  Je ne doute plus, mon esprit critique est vaincu, je retrouve coeur et âme d'enfant et n'ose faire un pas sur ce gros rocher 

"Auguste, cesserez- vous bientôt de vous acharner à rendre ce qui n'est pas de ce monde ? Ne voyez- vous que vous peignez quasi en aveugle ? le soleil s'est enfui, le bleu vire au bleu de Prusse, et les vagues s'emballent d'importance, imaginez que nous soyons encore une fois prisonniers de votre caverne hantée ! Notre amie en tomberait en pamoison ... "

"eh bien , le batelier a certainement entassé du mauvais biscuit dans sa besace ! nous survivrons avec cette pitance jusqu'à la délivrance, votre amie a un appétit d'oiseau, cela la ravira , et l'aventure dans la grotte bleue lui fournira les plus beaux contes quand ses cheveux se nuanceront de blanc et qu'elle endossera le rôle émouvant de mère-grand ..."

"Mais entendez- donc ce goujat qui vous voie déjà en aïeule en train de dévider le fil de vos souvenirs à Capri ! vous vous garderez de tout confier à votre aimable descendance, votre conduite sur le divin rocher ne serait pas digne de la vertu que l'on prête trop aisément à nos dignes aînés ...."

J'ai beau craindre à tout instant d'être engloutie au sein de ces eaux d'argent bleuté, ma langue ne redoute personne, et je rétorque d'un ton sec à ces deux  malotrus que je les imagine fort bien de mon côté en vénérables artistes adulés par de respectueux disciples à l'instar de reliques du goût d'autrefois ... Ma fière répartie a le don de leur clore le bec et der abattre un peu de leur superbe. 

Le batelier a senti cet échange nerveux et croyant nous apaiser, il se lève sur sa barque dansante en me désignant un point obscur à la droite du port minuscule:

" Signora, c'est par là, oui, le corridor que les esclaves de Tibère ont creusé dans la paroi, vous qui êtes si mince, vous devriez vous y faufiler, vous verrez, c'est très amusant  d'abord une grande salle, puis un tunnel dans lequel vous ramperez, ensuite une petite salle, et après une cheminée, il faudra y monter à la force des bras si vous ne manquez pas de courage et de souffle;  je vous conseille vraiment d'essayer : on dit que la statue en or de Tibère sur son cheval y a été abandonnée dans une creux de la roche  si vous la trouviez, vous seriez riche et vous pourriez vous acheter une belle maison à Capri et même vous y choisir un mari !"

Auguste s'esclaffe en lâchant ses pinceaux, et le bel inconnu que je connais trop me prend par le bras en m'incitant d'un geste moqueur à suivre ce conseil d'ami.

"  Venez, ma chère, si vous mettez la tête dans ce boyau, la fortune et l'amour vous tomberont du ciel ! je ne saurais  retenir votre fougue ! c'est votre oncle qui serait content , pensez à ses revers de fortune, vendre sa maison le bouleverserait d'importance, vous êtes veuve, encore jeune, toujours fort agréable à regarder, l'or de Tibère vous constituerait la plus prodigieuse des dots, allons, que décidez- vous ?"

Auguste rassemble sans broncher devant ces inepties son matériel ingénieux, chevalet pliable, mallette de taille réduite, et même une canne servant de siège escamotable. Le batelier considère cette fois l'étroite entrée qui déverse un courant de vagues  au limpide vert poudré de turquoise sur le lac évoquant la nuance fabuleuse du ciel de juillet.

Soudain, aucun d'entre nous ne prononce plus un mot, c'est à peine si nous avons l'audace de respirer, notre présence n'est plus acceptée, nous troublons quelque chose d'ineffable...

Mon bel inconnu me serre la main de plus belle, d'un signe de tête il me désigne l'extrême fond de l'antre des Sirènes, une lumière de saphir ondoyée d'or en paillettes liquides s'en échappe,  et la mélodie la plus entêtante, la plus immatérielle due de fol univers accompagne le mouvement soyeux de ce prodige ...

Le batelier roule des yeux étranges, Auguste semble une statue de pierre, mon ami m'enlace, avec une bizarre impatience, d'émotion j'en pers l'équilibre, et nous sombrons au sein des eaux enchantées ...

Je reviens à moi sans lâcher la main salvatrice de l'ami retrouvé. Une brume bleue m'enveloppe, je ne distingue qu'une forme vague, et j'entends la mélodie entêtante des vagues frappant la roche.

 "Théodore,  est-ce vous ? Sommes- nous noyés ? Je serais si heureuse de ne plus vous perdre, de ne plus jamais vous attendre en vain,  vous me resteriez pour l'éternité et nous errerions ensemble sur les belvédères à flanc de gouffre,  ensemble à Capri jusqu'à la fin des temps ! mais, noyés ou non, m'aimez- vous ? Je vous en supplie, répondez, cessez de me torturer, cessez de feindre de ne croire en rien de vrai  et de pur sur cette terre que nous venons peut-être de quitter!"

On me répond un flot de paroles précipitées en italien. Quoi de plus naturel, l'italien est certainement la langue en vigueur chez les habitants de l'autre monde.

"Cara amica ! mais  que racontez- vous ? Je ne comprends pas votre français, qu'alliez- vous faire toute seule au fond de la Grotte Bleue ? Le batelier a eu si peur ! il s'est retourné pour faire le guide, et il n'a vu que le banc vide ! vous aviez disparu ! il vous a cru noyée ! heureusement, vous étiez juste évanouie sur l'embarcadère, du côté de l'entrée sous-marine de la seconde grotte bleue, celle qui communique avec un monde où nul n'a le droit d'entrer. Oui, vous avez été transportée encore une fois à l'hôpital de Capri, c'est une manie chez vous ... Vous êtes  une dame impossible ! 

Le docteur vous adore, vous avez de la chance, vous avez le droit de rester à l'hôpital aussi longtemps que cela vous plaît. Surtout n'en bougez plus ! je ne peux vous empêcher d'inventer des sottises toute la journée. Allons, je suis rassuré, je viendrai ce soir avec Flavia; d'ici là, tâchez de dormir ! et mangez les raviolis que nous vous enverrons pour le déjeuner, sinon, vous vexerez Flavia qui se donne du mal pour vous.. ."

Je soupire lugubrement et salue d'ne main lasse mon sauveur Salvo qui referme la porte sur ma solitude. Pour le moment, nul membre du corps médical Capriote ne se soucie de mon sort et j'en suis ravie. Par contre, mon portable est en vue, laissé sur ma table de chevet par une bonne âme qui ignore ma méfiance à l'égard de ce trouble-fête . Justement, voilà qu'il se met à bourdonner avec un telle frénésie que je ne puis l'ignore . 

C'est la voix de l'Homme- Mari , j'éprouve en l'entendant une grand soulagement  et une immense déception. Manifestement il est loin de m'imaginer sur un lit d'hôpital, et je me garde de lui apprendre la cruelle vérité. "Oui, tout va très bien, une petite escapade dans la grotte d'azur, non, pas du tout déçue, mais une foule pénible , la prochaine fois, bien sûr, mais la grotte Blanche où la roche est neigeuse, la grotte Verte où il semble pousser une prairie, la grotte rouge, celle de la mer où l'on voit rouge et celle de la montagne que même les chèvres agiles ont du mal à atteindre, échappent aux voyageurs de la journée et comblent les coeurs audacieux.  Une maison à un prix honnête ? Alors elle doit cacher d'odieux défauts ! Oui , c'est promis, rendez-vous demain en fin de matinée, oui, l'agent immobilier porte le prénom d'Auguste, comment ne pas lui donner notre confiance ? Via Moneta ? Enfin,  je rêve, tu désires acheter la Villa Moneta ? Le lieu mythique par excellence ? Mon Dieu ! quel rêve ! Ah, non,  tu veux dire la maison derrière la Villa Moneta, une autre bâtie par un Suisse il y a cent ans ? Non, tu te trompes, je n'ai rien contre les Suisses, bien, je ne négocie pas encore, d'abord je respire l'odeur du temps et la senteur du jardin ! et je te raconte tout ! Oui, moi aussi, non, pas fatiguée du tout, reviens -vite !"

"Presto ritorno!" dit une voix ténue, une voix d'outre-tombe si je ne m'abuse...Je commence en à avoir tellement l'habitude ! une vieille et digne amie ne mentait pas, en soulignant dans une lettre véhémente ces mots redoutables : " Capri est dangereux !"

Le portable est sagement fermé, aucun docteur empressé, aucune infirmière potelée  ne se hâtent vers leur malade française atteinte du pire des syndromes : la nostalgie de ce qui fut et ne sera jamais plus qu'une ombre au sein des mystères de cette île prodigieuse et bouleversante . Je me sens dans un état assez proche de l'hébétude; ces histoires d'amant- fantôme, de grotte bleue, verte, rouge ou blanche,  ce désir insensé de racheter une ruine qui fut peut-être l'aimable masure abritant un ancêtre inconnu, toutes ces élucubrations commencent à me lasser. Je suis  même au bord de l'indifférence, me moque du passé et décide de suivre les injonctions de Salvo.

Du repos, ensuite du bon sens, après une balade, sans doute la dernière avant le retour aux choses sérieuses ancrées dans la réalité pure et dure, celle que j'ai pris la périlleuse liberté de dédaigner   à chaque fois que le destin m'a ramenée à Capri. 

C'est forte de ces saines résolutions et de belle humeur  que j'arpentai le lendemain la via Tiberio,  sous la lumière euphorisante d'une fin de matinée d'avril aussi douce qu'un début d'été.  A ma droite, au sommet d'un escarpement, se blottit la chapelle "San Michele", si simple et si ancienne qu'elle évoque la délicatesse d'un coquillage, bruissant de prières et de voeux de bonheur, un mariage s'y prépare et j'envie les futurs époux de  former le maillon neuf d'une chaîne invisible et immense. La via Tiberio se faufile entre de somptueuses Villas dont le promeneur n'admire que les allées ténébreuses, les buissons de lauriers -roses et les colonnes chargées de feuillages voltigeant dans la brise. Mais une école à un détour du chemin rompt net avec ce climat hiératique . Le ballon sonne clair sur les dalles, les rires éclatent, et les mères de famille jacassent d'importance, devant le portail, la plupart d'une élégance à faire rougir de honte leurs soeurs de Rome, Milan ou Florence. J'avais oublié que ce quartier de l'île n'usurpait guère sa réputation de splendeur bien élevée...

L'interminable a via Tiberio se pratique à l'instar d'une voie Romaine, on ne s'y hâte jamais, et personne n'a le droit de se servir d'un autre instrument que celui de ses jambes pour y déambuler. Bien sûr, si vous êtes souffrant, si vous avez un rendez-vous d'une extrême importance avec votre chirurgien, si vous souhaitez vous débarrasser de meubles hors d'âge, le "Sindaco" de Capri aura l'obligeance de vous envoyer à la rescousse un chariot électrique parfaitement silencieux et des plus efficaces. Mais si vous  la faim vous taraude, vous vous contenterez de trottiner vers l'épicerie la plus proche... Ou de vous attabler  sans façon  sous la tonnelle  de ces jardiniers débonnaires qui, à une encablure da carrefour menant à la  via Moneta,  préparent  leurs salades en cueillant les tomates rouges- rubis d'un potager plus odorant qu'un bouquet princier, loin des tables à la mode ...

Cette loi drastique vous donne l'arrogance désinvolte de heureux mortels ou immortels certains d'appartenir à un monde clos, paisible, protégé des tumultes et batailles par ses murs de pierre sèche et ses allées de Cyprès.  Le temps est aboli, et l'Antiquité si vivace à Capri, se ranime  d'un mouvement ample et  gracieux  sur les degrés du sentier empierré où l'ombre est subtile entre les ramures fantasques des Pins- Parasols .Vous êtes soudain un compagnon d'Ulysse,  un confident d'Auguste, un Patricien exilé sur la citadelle invincible de Tibère, un voyageur du Grand Tour décidé à ignorer l'appel de son bateau.

Pour l'instant, je suis perdue au propre et au figuré, l'Homme- Mari m'a priée de quitter la via Tiberio et de m'engager sur la via Moneta, or, le parc touffu de la Villa du même nom se  dresse à l'abri de ses grilles vétustes juste devant moi, à côté d'un banc sur lequel  médite un gentilhomme au visage labouré de nobles sillons contant l'émouvant récit d'une vie tumultueuse. 

Il me salue en agitant une main autoritaire et  me demande ce que je cherche d'un air aussi inquiet.  Son allure m'intimide, il a un grand air et moi un air timide, mais cela semble le divertir.  "vous en avez encore pour trente minutes avant d'entrer au Palais de Tibère, non , ce n'est pas le but de votre promenade ? Ah ! vous croyez le connaître déjà ! quelle outrecuidance !  écoutez maintenant, vous allez traverser le bois là-haut, puis vous arriverez comme à l'époque où Tibère gouvernait l'univers  dans son domaine secret, loin des visiteurs,  vous irez ensuite supplier le jeune guide de se consacrez seulement à vous et vous comprendrez  le rêve de l'empereur, vous aurez foi en sa noblesse d'âme,  à son talent de bâtisseur sur l'abîme, en sa science ,  en son goût pour les splendeurs des mosaïques et des marbres rares, certains hissés sur cette montagne depuis vos Pyrénées,  vous respecterez sa solitude  et verrez si vous le méritez son fantôme drapé de rouge par delà les falaises... Cela sera un signe, celui de votre devoir, vous  plaiderez sa cause face à ses détracteurs, il en a tant besoin!  imaginez un peu: calomnié depuis deux mille ans ! cela pèse à force .. ,A la sortie, vous proposerez au gardien d'acheter le billet d'entrée, mais il refusera par égard pour moi. Vous ne donnerez rien au jeune guide , il sait où me trouver. C'est mon privilège de rendre justice à celui qui fit de notre île son royaume des nuages."

Je suis émue par tant de ferveur, et me répand en remerciements fleuris dans un italien balayé par la brise, j'avoue que mon mari m'envoie visiter une maison dont je ne me soucie guère, à l'autre bout de la via Moneta, mais là, au fond de cette rangée de colonnes trapues, grises et sévères , la façade d'une Villa jadis somptueuse ne dérobe-t-elle des outrages inattendus ? La Villa Moneta serait- elle désormais que la Belle endormie ? Je prononce ces mots d'une voix éteinte tant ma peine est vive. Cette Villa Moneta métamorphosée en un chef- d'oeuvre en péril; c'est un peu du romantisme de l'île qui se fissure sous mes yeux ...

 Le gentilhomme se retourne, et esquisse une moue mélancolique.

"Les impôts, voyez- vous. C'est un poids si lourd ici qu'il en qui coupe la respiration, tue l'élan, ôte l'envie de faire, de vivre. Tout le monde connait cette maison et désire entendre ses légendes, mais vous revenez d'un temps trop lointain, vous ne voyez que les traces profondes creusées sur un beau visage que vous aimiez joyeux  et intact " dit-il sombrement. Il se lève, fier et droit, saisit sa canne au pommeau  d'argent ciselé  d'une sirène mutine, et prend congé, je suis au désespoir de l'avoir blessé... 

" Vous n'achèterez  pas l'appartement de la Villa voisine, ce côté-ci de l'île n'est pas le vôtre, l'auriez- vous oubliée ? Mais je vous reverrai avec joie, vous n'avez pas changée, votre coeur est plein de la même bonté. Votre ami n'aurait pas dû vous infliger ces souffrances, ne le regrettez pas ! il a été assez puni ... Qu'il ne vous souvienne que des heures heureuses sur notre île !"

L'esprit chaviré, je contourne  à regrets le parc désordonné et splendide de cette villa, belle- endormie alliant coquetteries orientales, citernes fabuleuses et colonnes romaines. 

Me voici remontant la via Moneta vers une autre allée dont les colonnes rustiques surplombent un fouillis charmant de vergers et jardins. Juste à l'entrée, le volubile et courtois jeune Auguste se précipite comme dans un conte de Capri!

Ce jeune homme, brun et courtois à la Capriote, me traite en visiteuse d'importance, et m'ouvre les portes d'un minuscule domaine débordant de poésie sous ses flots de feuillages enchevêtrés, jasmin, glycine, hortensia prodigieux, et terrasse jouant de l'éventail au pied de marches qui ont dû voir les Grecs de la Guerre de Troie. Toutes les légendes ne tissent- elles la trame de la vérité absolue à Capri ?

Hélas, à l'intérieur du délicieux appartement vanté par l'Homme-Mari, de gros tas de débris grisâtres obstruent les couloirs, pourtant un salon évoquant une roseraie accueille le bleu limpide du ciel et je  me sens prête à poser mes bagages dans la chambre installée face à un jardin de poupée.

Tout de même ces monticules de plâtre m'angoissent... "C'est le problème des voisins du dessus, quand ils auront décidé  de s'en occuper , tout ira bien ! leur  terrasse prend l'eau  et ensuite vos plafonds souffrent ... "

" Mais, ces dégâts sont assez importants, cette partie de l'ancienne maison est en danger, pourquoi les voisins n'ont -ils l'obligation de faire des travaux d'étanchéité en urgence ?"

"Ah ! cara Signora, cela n'est pas si simple, ce sont des personnes du Nord de l'Europe, elles ne viennent jamais, ou parfois  quelques jours à la sauvette, et les artisans ne savent pas s'ils seront payés, alors, il ne se passe rien ."

"Oui, et les plafonds menacent de nous tomber sur la tête, même au paradis, car ce domaine en est un je vous l'accorde, il reste très désagréable de recevoir l'appartement du dessus chez vous..."

Auguste tente sans conviction de souligner le prix peu élevé de ce paradis outragé, puis, saisissant le doute qui s'empare de moi, il  bat en retraite d'un laconique:" Je vous comprends, Signora."

Nous nous quittons en personnes mêlées à la même affaire et amenées peut-être à nous revoir bientôt !

Qu'importe ! la matinée s'épanouit en une gerbe de senteurs de printemps sur la voie romaine veillée par ses Pins aux parasols langoureux, la douceur du moment est si suave que j'arrive sans y penser au carrefour menant à droite à la Villa du farouche empereur Tibère et à gauche à la Villa du ténébreux comte Fersen.

Je ne sais que choisir et médite à mon tour sur un banc installé au milieu du paysage le plus harmonieux que l'on puisse rêver quand une très vieille dame décide de  souffler en face de cette voyageuse solitaire. Je ne l'ai vue ni descendre ni monter, elle vient de surgir par miracle ou hasard, serait-ce une sybille, une sirène ou une inoffensive Nonna ?

" Laissez le comte Fersen en paix, il a voulu rivaliser de splendeur avec Tibère et il en a été puni ! l'amertume de son destin enveloppe son domaine d'un parfum empoisonné, vous avez besoin de lumière !

et vous n'êtes pas du bon côté de l'île, revenez chez vous ! "

"Quel chez moi ? J'habite en France, je n'aurai jamais les moyens d'acheter une maison sur l'île, je suis condamnée à être un oiseau de passage ..."

" Revenez chez vous ! je vous interdis d'aller plus avant !"

Le ton soudain âpre et glacé de cette femme étrange m'épouvante, 

je crains une malédiction, un coup de folie, l'harmonie antique se mue en péril absurde, tant pis, j'abandonne la place, du moins en apparence.

Le charmant gentilhomme  ne m'avait-t- il suggéré de traverser un bois au pied du Palais impérial ?Je l'aperçois d'ici ! Peut-être le fantôme du vieil empereur drapé dans son manteau rouge me parlera--il de façon plus courtoise que cette sybille revêche !et qui sait si je ne verrais enfin clair au sein de ce passé qui fut le mien ... Quant à la "Maison ensorcelée", elle me semble perdue à jamais ...

A bientôt pour le dernier chapitre de ce Roman à Capri, 

 Nathalie-Alix de La Panouse ou Lady Alix



Capri: douceur et harmonie d'un paysage antique
(crédit photo: Vincent de La Panouse)

 







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire