vendredi 1 décembre 2023

Un espoir dans la nuit: "La maison ensorcelée" chap 40: Roman à Capri

 La maison ensorcelée ou Roman à Capri

Chapitre 4O:  Esprit du lieu et espoir dans la nuit



J'avais encore une fois la tête tournée à la croisée des chemins, mais une intuition quasi divine m'obligeait à me hâter avec grâce sur les pierres brillantes du sentier grimpant sans douleur vers l'antique palais du plus incompris des empereurs.

Qui fut le cruel, l'infernal, le retors, le roué, le sanguinaire, l'odieux Tibère ?

Sous cet ardent déluge de calomnies se cache peut-être le fantôme exaspéré d'un homme dans la force de l'âge, dégoûté de ses semblables , épris des étoiles froides et fidèles,  ces astres  de pourpre  peignant  les légendes tracées par les mains habiles des dieux. Du haut de sa tour, épaulé par son astrologue à la barbe tombant sur les mosaïques précieuses,  le sombre roi du monde s'enfuyait vers les constellations en laissant sur la mer  ces rumeurs, ces complots forgés sur l'ambition impitoyable, la haine calamiteuse et la jalousie meurtrière.

Mais, si l'on désirait attraper la vérité palpitant encore au sein des entrailles de Capri, rien n'était plus facile à en croire  Salvo, Flavia,  et un aréopage de charmants inconnus qui  s'étaient tous ingénié devant un café à évoquer  le vieil empereur à l'instar d'un ami de collège.

 Il suffisait d'errer avec une nonchalance éminemment patricienne sur le chemin de ronde du palais, à cet instant précis où le soleil rouge glisse noblement au sein  de ce lac d'opale qu'est la mer battant le soir les extravagants remparts de calcaire édifiés par les architectes de Poséidon.

Si votre mine plaisait à ce  monarque aux sourcils rébarbatifs, vous y gagniez la faveur insigne de trébucher dans sa cape de pourpre griffée par les épines outrageant ses allées jadis peuplées de blanches déesses surgissant du marbre le plus scintillant de l'univers.

Allait- il lui aussi me reconnaitre comme une habitante de sa cour ? Ou me foudroierait- il de son regard vert bronze ? Je n'avais aucune prétention de lui plaire, ma première jeunesse s'était envolée , en me laissant de beaux restes mais enfin ... Et de toute façon, n'avait-il la réputation de ne s'enticher  que de femmes à la taille élevée ? Non, de ce côté-là, je ne redoutais rien, si le hasard était bon prince, l'empereur et moi débattrions sans doute de graves sujets, avec une courtoisie toute intellectuelle. Peut-être aurait-il pitié d'une personne aussi toquée de son île qu'il le fut en des temps si lointains ...

Et, qui sait s'il ne me proposerait d'entrer dans les pensées de ces gens épris de matérialisme qui élevaient une barrière à priori infranchissable face à notre désir irrésistible  d'acheter une maison en ruines dans un jardin abandonné de l'antique hameau de Caprile ?

Ces espoirs fantasques me font une belle escorte sur le chemin empierré que bordent une paisible compagnie de pins en surplomb des murs à la mode antique. l'air coule à l'instar d'un voile bleu,  le temps est vaincu  sous l'arche du ciel immobile,  en face de moi, la vallée  bouge, animée d'un souffle troublant. Plus haut, la montagne respire, comme si d'invisibles âmes en villégiature  m'observaient depuis l'ombre éternelle des bosquets

Je franchis sans y penser l'entrée officielle de la Villa Jovis, ou antique palais de Tibère dédié au roi des dieux, Jupiter; tant pis pour le conseil du gentilhomme assis sur son banc via Moneta, je ne resquillerai pas  en cet après-midi déjà bien écorné, le temps est suspendu pour les immortels, hélas,  moi je reste soumise à la menace du jour qui finit encore tôt en ce capricieux avril. Je dois absolument acheter mon billet, le gardien me reconnaît et cherche fils Dernier des yeux, je secoue la tête, l'autre esquisse un sourire étrange,  me tend mon billet et m'envoie d'un geste entendu vers le balcon abrupt veillant sur un des plus effroyables gouffres de Capri.

Cet homme s'imaginerait- il que cette fois je cherche aventure en ces lieux ? Me croit- il à l'heure à un rendez-vous galant sur la terrasse en arc de cercle la plus périlleuse de l'île ?  J'avance amusée et aveuglée par un flot de lumière jaillissant des roches, de la mer et du ciel, un ruissellement  foudroyant comme Capri en garde le terrible secret. Du coup, je me heurte à une haute silhouette qui semble happée par le paysage âpre et sublime. je bafouille un "Mi dispiace" et la silhouette se retourne, j'ai heurté un personnage d'importance et ma confusion augmente. Le digne inconnu me salue à la mode ancienne d'une sorte de courbette qui achève de me bouleverser. J'ai certainement marché sur les augustes pieds d'un prince napolitain ou d'un  écrivain célèbre humant l'air de l'inspiration à côté de la tour d'où Tibère déclarait sa flamme aux étoiles nouvelles.

Le personnage me surprend par sa taillé élevée, sa mine sévère et son visage lardé, blessé, affligé de marques profondes à l'instar d'un  champ de bataille au soir d'une victoire. Je pense "victoire" car ce personnage se tient trop droit pour accepter une défaite,  je lui rends son salut d'une révérence instinctive qui allume un éclair dans son regard jaune clair, une nuance d'une extrême rareté qui confère à cette face meurtrie une fascination presque insoutenable.

Peut-être ai-je devant moi un ancien  officier rompu à l'art du commandement, l'autorité émane de ce personnage comme la lumière  frappe les roches en bas du belvédère.

Je tente de faire bonne figure et me présente, mais l'autre coupe net ces mondanités oiseuses et me pose une question qui manifestement le taraude:

"Vous êtes une jeune femme, ou du moins vous semblez encore jeune, et pourtant moins vaine que celles qui se présentent en ces ruines, en soupirant d'ennui face à ces  pans de murs, ces débris de marbre, ces escaliers menant à nulle part. 

l'Esprit du Lieu n'est plus compris de personne, même de ce jeune homme qui s'exténue à parler dans le vide devant son auditoire d'étrangers indifférents. Oui, vous me jugez pessimiste, c'est depuis si longtemps ma nature que me tourner vers une vision plus attrayante du futur me lasse par avance. J'en ai tant supporté, voyez- vous, et cela continue. 

Que cherchez-vous dans ce désert ? Un monstre des plus odieux, des plus cruels ? Vous n'ignorez pas que Tibère en garde la réputation, ce qui marque Capri d'un sceau fatal bien utile à son commerce ... Je crois vous avoir déjà croisée, voici quelques mois, et au moins deux  cent années. Mais  bien avant  cet espace dérisoire, nous avons cheminé ensemble sur mon belvédère ombragé de Cyprès dallé de granit rose, égayé d'un cortège de déesses façonnées dans des blocs du plus pur marbre blanc. 

Mes Patriciens tenus comme des fauves en cage, devisaient de mille choses dans l'air irisé d'or, je n'écoutais jamais ce stérile babillage. Lassé des combats, j'étais maître de moi comme de l'univers, Ne me considérez pas de ces yeux de biche, traquée, je rêve à haute- voix, est-ce un crime  à ajouter à ceux dont on me fait l'honneur de porter la charge accablante ?

Allons,, puisque vous avez bénéficié du temps nécessaire à la réflexion, livrez- moi sans crainte votre opinion; Tibère est-il un monstre ?Je parle au présent car les hommes de son éclat ne meurent jamais, vos amis ne vous ont-ils confié qu'il se promenait en son domaine, drapé en son manteau couleur de sang, enfermé dans sa solitude hautaine, mais prêtant une oreille désabusée aux sottises déversées au fil des visites. allons! répondez ! et vous aurez votre récompense car la franchise me plaît, la  bonne, la tranchante franchise ! cette audace des âmes fortes! eh bien ? Oserez- vous  me répondre ?

Vous aviez la parole plus libre autrefois ... Votre siècle vous oblige à proclamer la folie meurtrière de l'empereur épris des étoiles, replié dans son palais aux murailles intangibles, celui qui depuis sa tour ne rendait de compte qu'aux douze grands dieux de l'Olympe et de Rome ... Oserez- vous m'affirmer le contraire ? Vous  redoutez, vous détestez l'ombre -même de Tibère quand elle assombrit ces terrasses délabrées, ces citernes rompues, ces salles béantes, ces escaliers aux marches fendues.!"

C'est encore un aimable fou auquel j'ai encore affaire. Quoi de plus naturel ? Les aimables fois sont autant répandus à Capri que le furent les légions romaines dans l'empire gouverné par Auguste, Tibère, Caligula et toute la kyrielle  d'empereurs qui firent trembler le monde. Le sympathique fou au visage lacéré de marques étranges m'observe en silence, impavide et patient, rien de très angoissant, toutefois, on ne sait jamais, le Saut de Tibère développe ses rocs aigus juste en dessous de nous, si je ne satisfais pas ce bizarre personnage, cèdera- t- il à l'amère tentation de me pousser depuis cette falaise à pic  de fort mauvaise réputation ?  une légende invérifiable ne précise- t-elle que le sombre empereur trouvait plaisant de contempler la chute fatale de ceux qui se rebellaient contre son autorité ?  Le soir joue à se faufiler entre les restes titanesques de ce domaine des dieux conçu pour la seule gloire d'un homme taciturne et austère qui avait rang divin parmi les mortels. Je me suis mise étourdiment dans la gueule d'un loup qui se prend pour Tibère, qu'importe au fond, j'abonde dans son sens, Tibère est accusé à tort des crimes dont on l'accable, ses détracteurs politiques ont noirci ses actes en exagérant de manière trop outrageante pour qu'un esprit lucide soit convaincu de ces turpitudes abominables. 

 Tout d'un coup, je me rebiffe, et commence à plaider la cause du vieil empereur! le personnage drapé dans sa dignité  en vient à sourire et soudain sa mine tourne à la bienveillance, je ne taquinerai pas les poissons ce soir ! sauvée ! et le pire, c'est que je ne cesse de discourir du ton le plus sincère, reniant les écrits fallacieux  d e  Suétone, son enragé détracteur. 

" Un fouillis de mensonges navrants !  un homme capable de bâtir ce château insensé à pic sur ces rochers de la solitude , avait autre chose en tête que d'indignes bassesses !"

Le personnage défiguré me lance un regard perçant, mais presque heureux, il semble envahi d'un immense soulagement doublé d'une grande émotion. 

"votre culture m'étonne, vous étiez si jeune il est vrai, et puis Suétone a craché son venin longtemps après ... On reproche à Tibère d'avoir ordonné de mettre Jésus à mort, on oublie que l'indigne lâcheté de Ponce Pilate ne lui parvint qu'après ce drame dont il fut peiné... L'empire romain n'assassinait pas les innocents dans le seul désir de calmer la populace !"

Cette conversation m'a épuisée. Je ne sais plu si je dois fuir ou rester, et le singulier personnage a repris sa mine grave. D'un geste sentant l'homme habitué à être obéi, le voilà qui oblige le jeune guide à se présenter à nous. 

"Tu vas guider du mieux que tu pourras cette dame, elle est sous ma protection, ne lui cache rien, elle acceptera les outrages du temps sur la splendeur ancienne. Quant à vous, je vous donne rendez-vous demain soir en bas, sur la Piazzetta de Capri, je suis obligé de prendre congé, à demain, n'oubliez- surtout pas, je serai à l'entrée, du côté de l'église San Stefano."

Je le regarde s'enfoncer dans le bosquet, dédaignant le sentier dévolu aux visiteurs. 

"Qui est-ce ?"

Le jeune guide  me dévisage d'un air un peu gêné:

"Je l'ignore Signora ! on le voit souvent vers le soir ou tôt le matin, mais il n'a pas l'air commode ! alors, nous ne le dérangeons pas ! il entre par le bois et ensuite, s'évanouit sur les falaises, un drôle de type mais pas méchant ... Voulez- vous voir les citernes ? elle sont presque en  bon état et grandioses, pensez donc ! avec tous ces gens qui vivaient sur place ! "

La visite s'écoule dans la paix de cette fin de jour troublée par une poignée de touristes que mon jeune guide déboute avec une charmante fermeté. Il obéit  aux ordres de l'inconnu à grande allure et je l'en remercie tout en lui avouant avoir plaidé la cause de Tibère sur un ton véhément qui m'étonne encore .

"Pourquoi vous en voulez-vous ? "me dit le jeune guide rondouillard et affable.

Nous sommes seuls à déambuler sur l'antique promenade de l'Empereur,  de fugaces images flottent dans notre sillage, nous voguons le jeune guide rondelet et moi sur une mer de nuages, mais tout a une fin, et je suis raccompagnée jusqu'à l'entrée  . L'heure de la fermeture a sonné, le jeune guide ne cache plus son épuisement, il s'essuie la face, s'abreuve comme si nous étions au coeur de juillet, et me confie:

Signora, le Cavaliere de tout à l'heure, un homme important, très puissant, non,  ne me donnez pas ce billet, reprenez- le, !   écoutez- moi, je vous en prie, ce Signor  très autoritaire m'a glissé de l'argent  pour votre visite, il s'y est pris prestement, vous n'avez pas compris, il faut lui obéir.  C'est le maître des lieux, parfois on le devine, parfois il vous fait peur, souvent il rêve en fixant la mer. La plupart du temps, son humeur est morose, les visiteurs l'excédent, l'horripilent, vous avez représenté une exception. Quelle chance vous avez !

 Ne protestez pas, j'aurais des ennuis, il nous entend certainement. Si je le revois, je serais fier de lui dire que notre visite vous a appris  beaucoup de choses, que vous êtes repartie contente et que vous m'êtes vraiment reconnaissante. Comprenez- moi, nous sommes à Capri, et au Palais de Tibère,  tout près de la tour d'où l'Empereur envoyait ses ordres au monde, où il interrogeait les astres, où il discutait avec les dieux ... Nous vivons des aventures  extraordinaires sans nous en douter.. Ce qui est anormal, noyé dans la lumière bleue, entouré de la beauté infinie des montagnes, des bosquets, des belvédères, des buissons et des fleurs, prend un aspect paisible, naturel, même le fantôme  d'un vieil et farouche empereur...."

Le ciel se pare de pourpre au moment où l'obscurité voltige sur les  pins Parasols endeuillés .

"Oui, dis-je, c'est si évident, pourtant, si c'était Lui, le maître du monde et le seigneur de ce palais, pourquoi m'attendrait- il demain sur la place la plus fréquentée de Capri ? "

Le jeune guide potelé me met gentiment dehors et me suit d'une démarche éreintée. 

"vous n'irez pas  à ce rendez-vous, il l'a deviné avant vous. mais il s'est amusé  à vos dépens, c'est un farceur ,  ne soyez pas offusquée: il se passe si peu d'événements dans son éternité. Revenez en tout cas, c'est rare d'être écouté par une gentille dame si instruite de l'histoire de Capri ! A presto ! "

"A presto !  enfin, qui sait ? Ah ! "

Mon portable abandonné geint au fond de mon sac, miracle,  l'Homme- Mari se souvient qu'il a une Femme- épouse !

"incroyable, j'ai, enfin, je viens de visiter la Villa Jovis, l'antique palais de Tibère, et cette fois, eh bien, j'ai encore davantage ressenti la fascination de cet endroit, oui, la via Moneta, non, trop de travaux, aucune importance ? Quoi ? Un espoir ? en tout cas, si tu arrives demain, je te présenterai à un personnage étrange, un huluberlu qui joue à se prendre pour Tibère, je préfère qu'il sache que je suis une honnête femme mariée, vois- tu. que dis-tu ? Demain au port, le bateau de l'après-midi, le ferry de Porta di Massa, quelle joie ! oui, je raccroche, je m'ai plus de réseau, pardon, demain , con affetto, con amore, amore !"

Me voici privée de ma solitude mais respirant bientôt l'air des femmes aimées en puissance de mari, et quel mari, un homme plein d' espoir quand aucune illusion n'éclaire notre destin Capriote. Converser avec les fantômes, amoureux éconduits jadis ou empereurs autoritaires, ne mène guère qu'à l'asile de fous. Une lumière jaillira-t-elle de cette séduisante confusion ?

Je descends abîmée dans mes pensées et monte dans le petit bus d'Anacapri sans avoir conscience de mes actes. Un espoir ?  Si seulement le Cavaliere usait de son autorité irrésistible sur le propriétaire entêté de cette bicoque qui nous a ensorcelés ! 

L'Homme- Mari à peine abordé à Marina Grande ne boudera- t-il ce vague rendez-vous ou plutôt cette injonction à dénicher dans les cafés plantés à l'instar d'un décor de comédie italienne sur la plus minuscule et la plus mondaine place existant en ce fol univers ?J'imagine son vif agacement, sa méfiance légitime à fréquenter un endroit qu'il méprise et à subir une conversation avec un parfait inconnu qui risque de l'écraser de sa prestance remarquable et de ses façons altières. 

Nous allons droit vers un épouvantable naufrage ! comment me tirer in extremis de ce mauvais pas tout en veillant à ménager la susceptibilité de ce  haut personnage qui n'a même pas daigné me donner son nom, son numéro de portable, et sa qualité : ancien ministre, prince ruiné ou je n'ose me l'avouer., fantôme en mal de compagnie ...

Le pire ? J'éprouve une sorte d'aversion instinctive envers le théâtre vespéral  réglant le ballet de la fameuse Piazzetta: d'un côté ceux qui observent timidement, sans oser s'assoir, en ce temple du snobisme international, de l'autre, les initiés moqueurs et désinvoltes dont les séants glorieux sont confortablement installé aux bonnes places.

La blanche villa d'Anacapri m'offre le repos dont j'ai grand besoin, je suis enfin en paix et commence à préparer la venue inespérée de l'Homme- Mari  débordant d'optimisme avant notre prochain et inéluctable départ. Grève ou pas, la réalité pure et dure ne nous épargnera jamais et malgré sa beauté sublime, Capri ne nous nourrit pas...Ah ! j'envie tant ces voyageurs qui écrivaient leurs récits de voyage au jour le jour, avec zèle et sens du détail pittoresque, de l'anecdote piquante, enlevée,  aiguisée par  la beauté des jeunes filles rencontrées sur les sentiers d'Italie, et recevaient en récompense quelques subsides de la part d'éditeurs compréhensifs !

Mon portable m'oblige à réintégrer notre siècle, la voix de Flavia retentit , musicale et nerveuse, elle s'inquiète de mon sort, et pousse un cri de joie à la nouvelle du retour de l'Homme- Mari.

voilà qui me détournera des initiatives fantaisistes et périlleuses, il était temps ! et demain soir, "Vous viendrez à la maison, sinon Salvo se fâchera ! il faut se garder de fâcher Salvo, vous savez, oui, demain soir, un rendez-vous ? Mais vous détestez la Piazzetta ! un homme très grand, c'est une plaisanterie, bien sûr que vous nous préférez à ce Signor en manteau rouge incapable de vous dire qui il est, attention, nous ne sommes qu'à une journée de bateau de la Sicile ... vous me comprenez ...

Non, vous ne devez pas vous sentir coupable, ce Cavaliere ne mérite que votre silence, il s'est moqué de votre courtoisie, de votre gentillesse, on n'invite pas une dame comme vous comme ça, et sans son mari et en s'obstinant à cacher son numéro de portable et son nom ? Peut-être est-il brouillé avec les inventions modernes ?  Cara amica, n'y pensez- plus ! voyez- vous, il y a à Capri trop de choses qui dépassent la philosophie français. nous vous attendons demain soir vers 20 heures, et  Salvo aura une information très importante pour vous deux ! non, non, pas de fleurs, pas de gâteaux, juste  vous, les amis Français ...Mais, tout de même, relisez le livre de San Michele du gentil docteur Axel Munthe, les passages se déroulant exclusivement à Anacapri, vous  y trouverez le secret de votre Cavaliere . Pas un mot de cela à Salvo !  cela le rendrait nerveux et il digérerait mal la pasta que je vais vous cuisiner ..."

Je soupire lugubrement, le Livre de San Michele  ? Ce roman, je l'ai acheté et prêté, puis acheté à nouveau,  encore prêté étourdiment, encore acheté et mon dernier exemplaire a été laissé en France, à quoi me servirait- il ici  ? Je suis une amie par delà la vie du docteur Munthe, héros d'Anacapri, fou de l'île au point d'en perdre la vue, et presque la raison, axel Munthe qui releva une Villa de Tibère sans aucune aide, sauf. celle d'un visiteur nocturne drapé dans son austère dignité et sa cape de pourpre...

Une voix ténue murmure  du fond de ma mémoire :

"Une haute silhouette drapée dans un opulent manteau rouge se tenait à mon côté.

"tout cela sera à toi, si tu es disposé à y mettre le prix ."

"qui es- tu Fantôme de l'inconnu ?"

"Je suis l'Esprit immortel de ce lieu. Le temps ne m'est rien."

" J'accepte le marché , mais comment puis-je acheter cette maison, mes mains sont vides?"

"Elles sont vides, mais elles sont vigoureuses, ton cerveau est impétueux mais clair, ta volonté est saine, tu réussiras."

J'ouvre la fenêtre du milieu, celle de la tourelle, et prononce ces mots à haute- voix, prenant à témoin la masse protectrice du Monte Solaro sous sa couronne de brume ;

" Tu réussiras;. nous réussirons!"

Demain, l'Homme- Mari m'apporte un espoir et moi je lui apporterai ma volonté, nous réussirons à acheter en dépit de nos mains vides cette maison ensorcelée. Et, que ce Cavalier soit le fantôme de Tibère, une création de mon imagination exaltée ou l'Esprit du Capri antique, qu'importe ! je vois une lueur dans la nuit !


A  bientôt, pour la suite et la fin de  ce roman d'une maison ensorcelée à Capri.

Nathalie-Alix de La Panouse 

ou Lady Alix

Vous pouvez trouver sur mon blog:

 Contes du vieux château,

 Pages Capriotes

Souvenirs d'une malle parisienne

 "Les amants du Louvre" : roman épistolaire sur l'amour de la comtesse de Flahaut pour Talleyrand.

et des critiques littéraires ou confidences feutrées

Sur la via Tiberio à Capri, vers la villa Jovis ou l'antique palais de Tibère
Crédit photo Vincent de La Panouse

                                                








 








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