mercredi 5 mars 2025

Balade à Berlin I : Mariage à Pankow sans James Bond



 Un an déjà ou romantisme franco-allemand à Berlin en la mairie de Pankow  

Si vous êtes un amoureux fervent de l’Italie du Sud,  si le seul nom de Capri vous enlève  corps et âme tremblants de bonheur vers les grottes bleues, vertes et rouges où nagent les dernières Sirènes, si l’évocation hasardeuse de Sorrente vous remplit les yeux de larmes de douce nostalgie , si un frisson de joie vous titille au simple souvenir des jardins de Capodimonte au-dessus du vertige de Naples, quel tremblement ne vous saisira -t-il en acceptant d’honorer de votre  personne fort décontenancée des  noces  délicieusement, purement, étonnamment berlinoises ?

A la vérité, comment refuser cette faveur à votre propre fils qui, rompant avec la tradition des mariages campagnards unissant deux charmants voisins de la France profonde, vous supplie d’oublier vos vieux films à la mode de James Bond et d’ouvrir vos yeux et votre cœur le jour de la cérémonie franco-allemande célébrant la belle surprise de l’amour cosmopolite.

Avant que ne retentisse le « Ya « des époux, vous n’hésitez pas à prononcer un « Oui » franc et rassurant, l’Homme- Mari se jette sur une méthode linguistique qui le décourage en un éclair… Vous- même, en Femme- Epouse craintive, commencez par vous pencher sur la météo de cette ville gouffre. Votre destin de parents parfaits vous y infligera -t- il une température basse et un manque de soleil regrettable ? Mais qu’avez-vous donc fait pour que votre fils si charmant vous inflige un séjour dans ce que vous imaginez l’antichambre du Groenland ?

Sous l’auguste plume de Racine, Andromaque, mère sainte atteignant le sublime, ce qui ne sera jamais mon sort de faible mortelle, clamait à peu près ceci aux oreilles de la triste princesse Hermione :

« Un jour, vous saurez, Madame, pour un fils jusqu’ où va notre amour ».

(Je ne vous garantis pas la parfaite exactitude de ce touchant alexandrin…)

 En comparaison du sacrifice de cette pauvre Andromaque épousant un roi détesté afin de sauver le fils de son premier mari adoré, cet Hector qui résista aux Grecs qui sous le beau et fallacieux prétexte de ramener Hélène la grecque à son vil époux le roi de Sparte Ménélas, assiégèrent et saccagèrent, sans un frisson de pitié, la puissante et tentante cité de  Troie, ( funeste exemple de rapacité se répétant de nos jours au bout de l’Europe), je n’avais qu’à réserver nos vols et à entasser quelques lainages élégants  dans un sac.

Tout gémissement aurait paru des plus ridicules ! et tant pis si l’Homme- Mari ne cessait de soupirer en souvenir du bon Monsieur Molière et des » Fourberies » de son coquin de Scapin :

« Mais qu’allons-nous faire dans cette galère ? »

La galère en question prit la forme d’un bel avion de la Lufthansa au sein duquel des hôtesses de l’air d’une impeccable dignité, (à l’instar de ces élégantes beautés vantant les lignes aériennes prestigieuses dans les années soixante) nous présentèrent un carré de chocolat, un seul par voyageur, deux auraient paru une requête de fort mauvais goût, un caprice purement français …

Nous sûmes avec sagesse respecter l’ordre et la discipline, et gardâmes une allure de parapluie fermé durant le temps du premier vol, la correspondance allait-elle nous libérer de ce carcan ? Que non pas, ce fut pire, attraper le second avion nous vit courir comme des lapins égarés fuyant les fusils des méchants chasseurs.

 Guidés par notre instinct de conservation, nous réussîmes à entrer en trombe dans la file des voyageurs de la ligne Munich-Berlin, et une fois installés, histoire de révéler notre causticité gauloise, suppliâmes l’hôtesse au teint marmoréen et au maintien de déesse scandinave de faillir à la règle en nous nourrissant de deux carrés de son chocolat. Offusquée, la déesse aux cheveux de lin fît mine de ne pas comprendre notre langue peu usitée, et nous fûmes privés de cette maigre source de calories.

Enfin l’aéroport de Berlin, et le commencement de nouveaux tracas ! il allait de soi que le chauffeur retenu par l’intermédiaire de l’hôtel fût au rendez-vous, en brandissant un écriteau à notre nom, nous étions si fiers d’avoir un allié dans la traversée de cette ville tentaculaire !  A la sortie principale, sous l’âpre vent parcourant les bâtiments sinistres et l’immense parc automobile, nous ne vîmes malheureusement aucune pancarte de bienvenue. Le chauffeur était-il en retard, nous avait-il oubliés ?

 Une heure s’écoula, fastidieuse et exaspérante, dans la fraîcheur d’un soir tombant à vive- allure, et de guerre lasse, nous confiâmes notre destin de naïfs Français croyant en la parole d’autrui (et ayant versé de l’argent par avance à un traître) à un taxi imprévu mais prêt à atteindre notre destination

 Un tantinet déprimée par la route interminable logeant des entrepôts et usines au romantisme inexistant, je relus le faire-part en me demandant s’il s’agissait bel et bien de notre ravissant bambin d’autrefois qui allait se marier le lendemain et qui plus est à Berlin. 

Vraiment, le temps nous avait joué un méchant tour ! Je me sentais trop étourdie pour endosser une seconde fois (Fils Cadet ayant déjà convolé) le rôle fort ennuyeux de belle-mère incarnant sagesse et autorité morale. Comble de l’ennui mortel distillé par cet embarrassant statut, j’étais incapable de bredouiller plus de dix mots dans la langue de ce Frédéric de Prusse très éclairé certes, mais dont le caquet malicieux fut rabattu par notre facétieux Voltaire.

Souvenez- vous de la plaisanterie facile du monarque qui croyait se gausser du philosophe : n’eût-il l’outrecuidance d’écrire « Voltaire est un âne ? » Ce trait de mauvais esprit fut aussitôt cinglé par une riposte habile de « l’âne Voltaire » traçant de ses plus beaux jambages :

« Voltaire est un âne, Frédéric le deuxième… »

« Qui sait, si les émotions de demain ne nous bouleversent pas complétement, disposerons- nous peut-être d’un moment pour la visite du château de San Souci, dis- je, soudain frappée d’espoir. Les immenses jardins de l’impertinent apprenti philosophe Frédéric de Prusse à Postdam ont la réputation d’atteindre le sublime, cela serait une consolation. Mon Dieu, allons- nous jamais arriver à l’hôtel ?

 Cette ville nous aspire littéralement, j’ai peur de m’y noyer … Bien sûr, nous sommes des campagnards que tout étonne, mais quand même… »

L’Homme- Mari n’avoue pas son désarroi, c’est une faiblesse inavouable que seules les Femmes- Epouses ont le grand courage d’avouer ! Le chauffeur ne parle, ni ne sourit, nous devons nous fier à lui coûte que coûte. La volubilité passionnée et les gestes éloquents par-dessus le volant des chauffeurs Napolitains nous manquent terriblement. Mais, il faut reconnaître que nous roulons dans un climat confortable, dénué de secousses, de cris, et de malédictions, autant dire un ennui quasi mortel.

 Grâce au Ciel, Fils Aîné, le futur marié Berlinois de demain, réveille notre portable et nous promet de nous prendre en main au plus vite. La voix de notre fils a le don de nous ragaillardir, mon humeur tristounette s’effiloche sur les façades massives et le long du fleuve aux eaux placides teintées d’or rouge. En le soir tombant. Berlin s’éclaire sous les premières volutes de cette nuit de printemps, et sa pesanteur s’allège.

 « Surtout, n’oubliez -pas, demain, la mairie de Pankow, c'est très chic, nous attendra aux aurores, vous n’imaginez pas la montagne  de formalités de dernière minute que l’on exige encore de nous, c’est à vous donner envie de fuir avant le » Ya » fatal, interdiction de dire un mot en français, on nous supplie de choisir une musique triomphale, tout en nous suggérant un choix franchement trop pompeux. En tout cas, ce soir, n’ayez aucune inquiétude, nous avons réservé une table dans un restaurant Libanais, demain, le repas de noces se tiendra chez des Italiens exilés, respirez, vous verrez des Allemands à l’accueil de l’hôtel, ensuite, vous vous apercevrez que Berlin est la capitale des citoyens du monde … »

Le son de la voix aimée encore dans les oreilles, c’est le visage rehaussé d’une mine guillerette que nous nous présentons à une équipe charmante et absolument incapable de prononcer autre chose que » Bonne nuit » dans la langue de Voltaire.

 Une vengeance de Frédéric le deuxième du haut du ciel ?

Mon allemand pittoresque au vocabulaire emprunté à la poésie démodée ajoute à la confusion. La panique nous guetterait-t-elle ? Je suis épuisée et rêve d’Italie !

 L’anglais contemporain, dialecte fort éloigné de la langue du créateur de Miranda, Juliette et Roméo, mais titré « Obligation ambulante en matière d’échanges en ce fol univers », nous sauve de justesse.

 On nous reconnaît, on nous salue de mots gutturaux se voulant courtois et même sympathiques, et on nous indique un dédale de corridors et d’escaliers en surplomb de la fameuse piscine historique, orgueil de cet ancien établissement de Bains …

L’eau turquoise jaillit sous les brasses énergiques de robustes nageurs, vision tentante et luxueuse.

 « As-tu pensé aux maillots ? » s’enquiert l’Homme- Mari ? 

Non, je n’y ai pas pensé ! On ne saurait penser à tout ! Et d’ailleurs, l’Homme- Mari n’aurait-il pu y penser de son propre chef ? Finalement, l’institution du mariage est-elle vraiment à conseiller à notre Fils ?  Le climat conjugal assez tendu se dissipe heureusement une fois et non sans mal notre ancienne cabine de bain(métamorphosée en chambre  monastique) dénichée presque par hasard.

Non que ce décor soit laid, mais son austérité a de quoi pétrifier des voyageurs habitués à la façon typiquement napolitaine de voiler les fenêtres de brocart, d’orner les murs de tableaux ou de gravures pittoresques, de fleurir les balcons et de préparer les lits matrimoniaux comme si un couple princier allait s’étendre sur une couverture de satin brodée d’oiseaux exotiques…

 Sur le lit conjugal à la mode allemande, la couette immaculée évoque une mare gelée peu propice aux élans sentimentaux …,A côté, la salle de bain propose son absence totale d’imagination son seul mérite est d’exister. Que demander de plus ?  D’ailleurs, une charmante machine à café, à notre entière disposition, va se révéler une aide d’urgence afin de lutter contre le mal de Berlin. 

Nous sommes des êtres sensibles à l’extrême, ou en vérité beaucoup trop perturbés par ce qui n’est pas Italien ! L’Homme- Mari contemple la pièce aux fenêtres plongeant sur une cour particulièrement sinistre, et je le plains de tout mon cœur. Toutefois, en voyageur exemplaire, il tente un compliment sur le dépouillement quasi spirituel de notre cellule coûteuse… Et, stoïque, je l’imite en vantant cette merveilleuse nudité du décor, pareille à une toile vide provoquant a contrario le débordement de l’imaginaire.

Notre devoir accompli, j’entrevois un réconfort inattendu : quatre carrés de chocolat  sur une carte de bienvenue ! Deux pour chacun ! Cette généreuse initiative nous rend aussi joyeux que deux enfants qui ne supportent plus d’être privés de dessert !

Encore un taxi, taciturne et poli, discipliné, et curieusement attentif à la stricte observation du code de la route, survivrait- il dix minutes au cœur de Naples ?

Nous y réfléchirons demain, ce soir, les mariés de demain nous embrassent avec une affection touchante, Solveig, la jeune fiancée  nous confie son secret ; elle vient à peine de choisir sa robe !  Theodore, notre fils s’interroge, costume ou pardessus ? Quelle couleur de cravate ?  Ou carrément aucune cravate !

« Surtout, ne le prenez pas mal, à part mes prénoms et notre nom de famille, vous n’entendrez aucun mot en français, c’est la loi …L’adjointe au maire est asiatique, elle a nous inondés de questions et rayonne de joie à l’idée de marier un français et une allemande, c’est franchement très gentil, cela compense la rigueur administrative, enfin, on n’a rien contre nous, et la mairie de Pankow a une allure de manoir anglais, boiseries à l’intérieur, colonnes, filets d’or, et interdiction de s’attarder .. 

Nous prendrons des photos dans le parc, au bord de la rivière de Panke, une espèce de domaine à l’anglaise là encore, dommage que le printemps soit si paresseux à Berlin …

Nous y allons ? Les Libanais du restaurant ignorent que nous nous marions demain, je ne sais pas s’il faut le leur dire …nous sommes des habitués, et aurons peut-être droit à un gâteau offert avec un peu de chance !  Partons à pied, vous découvrirez un peu notre quartier, vous allez adorer les petits jardins cultivés dans les rues, une vraie passion à Berlin, je vous en prie, quittez cette mine méfiante, vous êtes en pays civilisé ! Solveig va finir par se vexer… 

Qui a dit « Ich bin ein Berliner ?  Vous pouvez suivre cet exemple ! »

Obéissants aux patientes injonctions de Fils Aîné, nous trottinons à la suite des amoureux  et reprenons notre souffle à la table libanaise. Autour de nous, une franche gaieté attise les conversations en anglais surtout, nous sommes les seuls avec notre fils à parler la langue de Voltaire, même si Solveig essaie avec un charme désarmant de prononcer quelques mots en bon français afin de nous émouvoir de ses efforts valeureux. 

J’ose avoue dans mon allemand rudimentaire que l’heure est au mariage, et à la fin du repas, un minuscule gâteau est apporté en grande effervescence sous le regard curieux de nos voisins immédiats, une famille allemande, mère blonde, grande, et musclée, père  immense, robuste et blond, jeune fille et jeune garçon solides, sympathiques et bien sûr blondinets. 

Nous échangeons des sourires un peu exagérés, ils sont si typiques, et semblent si aimables ! je suis sur le point de lancer une conversation spontanée, quand Solveig lève un sourcil qui en dit long . Aurais- je commis un impair ?

 A Naples ou Capri, il est d’usage de raconter sa vie, ses amours, ses espoirs en levant son verre de bon vin ! Hélas, il faut se conformer aux usages et je me contente de saluer la famille à son départ.

« Vous avez l’air exotique, ils se posaient des questions .. » explique Solveig en son français hésitant.

Ai-je l’air si exotique ? Je me sens soudain très bizarre ! et demain, comment les parents de Solveig nous jugeront- ils ? Sortis d’un cirque ? Ils nous ont envoyé des chocolats, mais en dépit de leur goût des périples, n’ont jamais encore devisé avec des Français.

Nous avons intérêt à présenter l’allure la plus discrète, la mime la plus réjouie, les vêtements les plus classiques afin de ne pas les effaroucher…L’Homme- Mari devine mes angoisses, et murmure : 

» Nous sommes ce que nous sommes et n’avons aucune honte à avoir ! Tout ira bien, l’essentiel ce sont les mariés, regarde- les ! »

 Oui, l’amour a levé ses ailes entre Toulouse et Berlin, et la mairie de Pankow va en frémir d’émotion !

Sur cette délicieuse pensée, nous passons une nuit blanche jusqu’à l’aube, au moment précis où le sommeil s’abat sur nous, pauvres parents épuisés et nostalgiques, le portable nous rappelle à l’ordre.

« Vous êtes levés ? Oui, bien sûr, je n’en doutais pas, hâtez- vous, les parents de Solveig arrivent à toute vitesse de leur village portuaire, à deux heures de Berlin,  c’est incroyable :  ils vont être les premiers à la mairie ! Je n’ai pas encore décidé pour ma cravate.

Non, je n’ai pas de fleur à la boutonnière, Maman veut en voler une dans un vase de l’hôtel ? Surtout pas ! Cela fait trop français… Je m’en passerai… !

Dépêchez- vous ! » Or L'Homme- Mari exige son petit-déjeuner, j’admire son sang-froid, mon angoisse atteint son paroxysme, j’hésite devant la kyrielle de robes entassées sur un fauteuil, aucune ne me plaît, pourquoi les avoir choisies ? Aucune ne s’adapte à la situation, j’ignore le protocole des mariages berlinois ! Au hasard, j'en endosse une très simple et absolument rouge, la nuance de la passion...

Pourvu que les parents de la mariée ne s'en offusquent pas, est-ce une couleur exotique ici ?

Je ne sais plus où je suis, ni qui je suis, ni où nous allons ! Oui, à la Mairie de Pankow ? Existe-t-elle véritablement ?

Sa superbe façade de briques mordorées se profile devant nos yeux embués de larmes au bout de cinq minutes en taxi, le chauffeur muet et indifférent nous laisse en plan sur les marches d’un escalier monumental. Théodore et Solveig auraient- ils subi une étrange métamorphose ? 

Voici à leur place une jeune fiancée immaculée dans ses voiles gonflées par la brise fraîche du matin, un gros bouquet dressé à l’instar d’un cierge vers le ciel dans ses mains tremblantes, et une famille également tremblante d’inquiétude rassemblée autour de ses jupes soyeuses. Qui sont ces gens de haute taille, au teint pâle, aux cheveux de lin et aux yeux d’un bleu céleste ?

Tout simplement la noce qui nous précède ! Une noce à l’allemande et en proie à la plus vive épouvante, le marié se fait désirer… « Gunther ! « scandent les parents d’un ton énergique. La mariée flageole, plie, ne rompt pas mais son agitation extrême fait peine à voir, Gunther viendra-t-il ?

Juste au moment où un taxi dépose Solveig, ravissante, raffinée, drapée de blanc, et Théodore, superbe, rayonnant, cravaté de bleu, un hurlement pareil à un tonnerre rauque s’élève « Gunther ! »

Gunther, blond, rose, regard bleu céleste, muscles puissants, court comme si une horde de loups était à ses trousses, la fiancée pleure de joie, sa mère de soulagement, son père a bien envie de tancer son futur gendre, mais, c’est l’heure officielle du mariage, et la belle Mairie de Pankow ne transige pas avec les rendez-vous dûment fixés !

Un second cri retentit, ce sont les parents de Solveig, décidemment charmants, pas trop immenses, pas trop blonds, pas trop robustes, et couverts de fleurs, évocation idéale et romantique d'un jardin ambulant !   

Nous essayons désespérément de nous saluer. Avec une exquise courtoisie, la mère de Solveig récite une phrase en français et je réponds en écho la même chose en allemand, je suis fière de mon beau discours tiré de notre méthode linguistique ! Nos gestes aimables et nos sentiments éloquents suffisent à tisser, sur le champ, l’entente la plus cordiale.

 En mère qui respecte les coutumes, Carla dépose avec un soupir joyeux, un énorme bouquet de narcisses neigeux dans les mains de sa fille, et s’empresse de fleurir la boutonnière de son futur gendre d’une rose à peine éclose, son panier déborde de  blanches pétales gardées pour la sortie, je suis confuse de n’avoir rien prévu de mon côté, mais après tout, je ne suis que la mère du marié, autrement dit une créature d'une regrettable étourderie.

C’est notre tour !  On nous intime l’ordre de patienter dans un petit salon aux boiseries de chêne blond, l’Homme- Mari jette son manteau sur un fauteuil et suscite du coup l’indignation de notre digne accompagnatrice qui lui indique des cintres, juste sous son nez …Ces Français !

 Le jeune couple nous quitte dix minutes, puis revient en étouffant un fou- rire. Théodore garde son sérieux de justesse pour nous expliquer que chaque couple entrera par une porte, les mariés en dernière position, sur les flots de la musique quasiment obligatoire, les photographies ne seront permises qu’à un seul membre des deux familles confondues, le père de la mariée de préférence … point de cortège traditionnel comme je l’espérais naïvement ! Tant pis ! Conformons- nous placidement aux usages berlinois !

Nous faisons ainsi  tous notre entrée, et le jeune couple triomphant écoute le discours interminable d’une adjointe au maire asiatique, délicieuse à regarder, la taille de guêpe étranglée encore dans un fourreau de satin rouge, le décolleté à la limite du risqué …

Nous sursautons, main dans la main quand cette exquise créature interroge d’abord Solveig, puis « Théodore ! »  Leur ‘Ya » jaillit, clair et franc !

Une gentille surprise m’attend, Théodore ose la rébellion, et, offrant le livret de famille à sa toute nouvelle épouse, défiant d’un aimable sourire la douce adjointe qui lui pardonne cette inqualifiable audace, dit en français :

 » Voici, Madame ! »

Merci mon fils ! L’amour a volé entre deux pays et c’est un beau parc encore malmené par les rigueurs de l’hiver berlinois qui permet aux effusions de s’épanouir dans la quiétude d’un après-midi réchauffé de soleil subtil. 

Nous bavardons en allemand, en français, en anglais, nous les parents attendris et heureux, marchant sans peur sur nos vestiges de mélancolie funeste, le long de la rivière jonchée de feuilles pourpres, les buissons verts luisent de leurs premières fleurs rouges, les mariés s’enlacent, le temps a retourné son sablier d’or…

A bientôt pour de nouvelles déambulations romantiques à Berlin !

Avant le retour au roman capriote de « La maison ensorcelée »

 Lady Alix ou Nathalie- Alix de la Panouse



Mairie de Pankow, Berlin
 Un "manoir" magnifique pour des mariages cosmopolites et Berlinois !

                                          

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